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Affichage des articles du 2005

Amours félines

If you hold a cat by the tail you learn things you cannot learn any other way. Mark twain -De ma vie de pute, je n’ai vue de femelle aussi catin, aussi dépravée que toi ! Mimi … C' est Mme S*** qui parla ainsi, une prostituée notoire, un brin de jalousie dans la voix, à l’adresse d’une petite chatte qui venait juste de se faire sabler apparemment pour la première fois dans sa vie, une débutante donc, une pucelle, une heure durant par les chats du secteur, tous les chats du secteur je veux dire, Griba en tête. A vrai dire, pour mon grand désespoir, je n’ai pu voir Mimi à l’œuvre dès le début de son exploit - c’en est vraiment un, à en croire les spécialistes alors présents dont, entre autres, Mme S***. Et je regrette car c’aurait pu m’intéresser au premier degré, moi qui n’ai de ma vie vu d’amours félines, même pas à la télé, dans un documentaire animalier par exemple. Du sexe, je ne saurais m’auréoler d’aucune autorité outre que celle que me dicte ma pratique personne

L'An I

Automobiles shot out of deep, narrow streets in the shadows of bright squares. Dark clusters of pedestrians formed cloudlike strings. Where more powerful lines of speed cut across their casual haste they clotted up, then trickled on faster and, after a few oscillations, resumed their steady rhythm. Robert Musil V u depuis mon comptoir, le monde est triste, son spectacle est désolant, lugubre … qu’à ce constat, me vient à l’esprit l’idée, saugrenue certes, que j’en suis redevable devant l’Eternel, personnellement, de cet état du monde donc, pour m’avoir laissé accouder de la sorte, mollement il faut dire, au comptoir dans une posture qui ne peut qu’en attirer, de ces idées suspectes. Au lieu de me ressaisir, de mettre un peu de dignité dans ma façon d’être dans le monde, je trouvai un vilain plaisir à le faire perdurer, simplement en regardant nos bourgeois affairés allant leur chemin, qui diagonalement, qui horizontalement, qui verticalement, selon l’inspiration du mo

Deux mondes différents ...

Le vieil homme, le pas mou, dut écraser quelque chose sur son passage, une queue laissée à l’abandon sur le couloir par son propriétaire, un chien d’agrément qui répondait au nom de Goupio. Ce devait être aussi un de ces chiens qu’on dit savants pour avoir ainsi dominé sa douleur, fait preuve de sang-froid, de dolorisme et même de philosophie, en se ressaisissant avec un air muet, à peine désabusé, là où un Marocain moyen en serait venu aux gros mots, Tout bonnement : Makatchoufch al 7ayawanne (1) ! L’homme ne s’en était même pas aperçu. C’est pourquoi, présumèrent tous les habitués du coin, continua-t-il sur sa lancée, droit sur la table au fond du café, où trois autres vieux l’attentaient déjà, chacun à la main un verre de thé à la menthe. Tous arborèrent un sourire bon enfant à le voir accourir vers eux. Il faut dire qu’une partie de jeux de carte allait bientôt être amorcée par eux et qu’avec la venue du quatrième le quorum y était enfin. Ce serait alors comme toujours, deux c

Babel Bar

Mais qu’est-ce qu’ils ont tous à formuler le fond de leurs pensées, quand elles sont à rebrousse-poil, dans une langue étrangère. Craignent-il d’offenser les totems de la tribu et ses idoles ? la résonance vaginale ? ses bien-pensants, Peut-être … je ne parle pas de l’occurrence « chou de Bruxelles », accouchée telle quelle, dans un texte très british, et mettons « Les Versets sataniques », par exemple, au tout début et l’œuvre parce que, paraît-il, dès qu’il s’agit de ce chou-là, l’on ne pourrait le rendre, dans quelque langue qu’on écrit, autrement qu’en français…Je ne parle pas là de cette occurrence, somme toute technique, même si sur le coup l’écrivain est devenu l’homme à abattre pour les uns et un chou pour les autres. Dès lors, le chou ne relève plus de l’ordre du neutre, mais du foutre. Par deux reprises et sous le même toit, ai-je assisté cet après-midi à deux scènes des plus éloquentes à cet effet où des gens, pour ne pas avoir à être confondu dans leurs propos, t

Le Chat Noir 7

Incrédule était mon voisin qui se rassit à côté de moi, déposa le petit chat sur la table et me pria d’en juger par moi-même. A cet effet, il lui écarta la queue, en la tirant par le haut, de façon à ce que l’animal, son arrière-train dûment inspecté de plus près, avec ses deux joyaux de la princesse tombants, n’eût prêté le flanc à aucune ambiguïté quant à son identité sexuelle. Un chat. Bien sûr que je savais qu’il en était un, de robe noire, de sexe masculin ; je le savais et de visu s’il vous plaît ! pour lui avoir tenu du bagout un moment et d’après le timbre de sa voix, il ne pouvait être qu’un chat. Pour être agréable à l’homme, j’en étais même venu à dire tout le bien que je pensais des félins en général et du spécimen alors humilié sur la table en particulier. Je fournissais un discours des plus cohérents sur l’animal, en me rappelant mes anciens cours de Sciences Nat, qu’à en juger d’après le volume de ses deux testicules, il devait en avoir dans les cinq balles et des yeu

Le Chat Noir 6

Aussi, ne m’étais-je jamais senti en forme pour vivre dans un grand ensemble, surtout en co-propriété. Cette psychorigidité n’était point mon seul apanage, mais généralisable à toutes les gens qui y vivaient au même titre que moi : des montagnards et des campagnards dans leur majorité. Ceux-ci, en reconnaissance de leurs hauts faits d’arme pendant la guerre de libération, s’étaient vus gratifiés par l’Etat de logements subventionnés et d’autres agréments encore. Après tout, Semblait dire le Léviathan, ces gens là avaient pris le maquis quand les autres faisaient du business avec l’Occupant. Le fait est que, un demi-siècle après l’indépendance, certains en sont encore à courir après ces agréments dont un particulièrement, un musicien très connu sur la place, qui était allé s’en procurer lui aussi de ces « Indulgences », sous prétexte qu’il avait lui aussi fait de la résistance. Il était, avançait-il sans sourciller, le seul Marocain qui eût osé jouer au violon à l’occidentale, horizonta

Le Chat Noir 5

Pourtant, je ne m’étais jamais dit que le voisin d’au-dessus était mon ennemi, ou qu’il le serait un de ces jours, quand bien même tout, dans sa façon d’être, m’y poussait. Et d’abord cette façon qu’il avait en propre, à afficher sa foi dans les crasseux couloirs de l’immeuble et par extension sur la place publique, toute aussi crasseuse. J’avais toujours gardé avec lui un rapport pour ainsi dire strictement juridique, ne me permettant aucune liberté avec lui, une conduite qu’il me rendait de son côté si bien que, las de devoir tout le temps nourrir le même sentiment l’un à l’égard de l’autre, nous en étions venus tous les deux à nous ignorer souverainement. Quand nous nous étions croisés le regard la première fois au couloir, je m’en souviens encore, il y avait quelque chose de physique dans l’air qui nous faisait tenir sur nos réserves. Ce devaient être, d’un côté mes effluves bacchanales qui me rendirent ainsi moralement insolvable aux yeux de l’homme et de l’autre côté, je dois dir

Le Chat Noir (4/4)

Sa vodka finie et intégrée, exactement comme c'était de coutume chez les Goupoviens (1) du temps de Staline (c’était l’expression qu’il s’était choisie lui-même pour se donner une certaine consistance historique), Il me dévoila enfin l’objet de sa visite : me raccommoder avec mon voisin d’en haut. Du coup, j’eus présents en mon esprit, les contes des Monts Zbarbars, où le Diable, me racontait ma mémé les nuits d’été, n’osait jamais appeler Dieu nommément ; cela l’anéantirait disait-elle et m’intimait d’y déceler le signe diabolique qui ne trompe jamais. Fut-ce à cause de cela que je pris littéralement son expression ? Au risque d’encourir le ridicule devant le petit félin, moi qui me targuais tant devant la Tribu d’être un produit universitaire fini, rompu aux nuances discursives… -Mon Voisin d’En Haut ! Lui criai-je, idiotement je l’avoue, comme pour lui tirer la langue (à lui, le chat !), le mettre en demeure d’expliciter davantage sa proposition et de voir, à l’occa

Le Chat Noir (3/4)

Cela ne faisait aucun doute : c’était le Diable. Je puis en juger d’après sa façon de boire. Elle tenait plus du rituel que d’une quelconque soif à étancher. Humanoïde, je l’aurais volontiers pris pour la légende vivante du Six-Bottle Man. L’homme qui, disait-on au Club des Mohocks, pouvait faire « cul sec » d’autant de bouteilles qu’un convive lui eut offertes, d’un seul trait donc. Il me confia plus tard, qu’il trouvait ma comparaison malheureuse parce qu’il faisait un point d’honneur à ne boire que tranché du monde vivant, seul, et ajouta-t-il, tant qu’à étiqueter, il se serait laissé confondre avec l’un de ces combattants d’antan, condamnés à vivre isolés pour garder la fissure de leur cuirassier secrète. Un einheriar dut-il préciser. Un moment, je me rendis compte que sa phraséologie tenait elle aussi du diable. Le petit félin me semblait bien inspiré, comme animé d’une sainte conviction que j’en fus réduit à ne déceler dans ses propos le moindre effet de composition. -Vous, ho

Le Chat Noir (2/4)

Je ne sais si je puis dire qu’une fois dans la bibliothèque, le « le Maître et Marguerite » entre les mains, je me rendis compte qu’il n’avait jamais été parmi mes acquisitions. L’y aurait-il placé en mon absence ?et pour quel dessein ? je m’en remis alors à la note de lecture sur la couverture du roman et ne pus rien comprendre qui fût de nature à me donner une idée en rapport avec ce qui m’arrivait. Je pris la bouteille et enjambai les marches de l’escalier, deux à deux, la puce à l’oreille, bien déterminé d’en découdre avec le petit félin. -Ah ! de la vodka blanche traditionnelle ! Me lança-t-il. Sans la Bible et cette sacrée liqueur, le goulag n’aurait en rien profité à la littérature que nous lisons de nos jours, grande et sublime. N’est-ce pas ? -tout à fait ! Quand on en boit, notre esprit devient vif et notre imagination s’en trouve tellement aiguillonnée qu’il ne nous reste plus que de nous baisser pour ramasser les métaphores qu’on veut, à la pelle. Je peux en témo

Le Chat Noir (1/4)

Tôt ce matin, en m’installant là-haut sur la terrasse de l’immeuble, je croyais bien faire, moi le diabétique : manger mon petit déjeuner en mon âme et conscience, sans que l’on vienne me faire la morale, m’aviser du châtiment que j’encours au jour du Jugement dernier... J’allais m’y attaquer donc quand un chat noir, d’un bond, atterrit sur la chaise restée libre à ma gauche. Je le regardais un moment puis, estimant qu’il en était après mon lait (le pauvre était tellement maigre), lui offrit quelques lapées dans une assiette et du regard, lui intimai d’y aller mais paternellement, heureux d’avoir enfin le convive que j’avais tant attendu. Il faut dire que j’ai toujours été bien disposé à l’égard des petits félins et ne m'étais jamais permis de voir en eux, ainsi qu’il est d’usage chez mes compatriotes, un mauvais augure surtout quand ils en rencontrent de noirs, le matin. A moi, quand il m’arrivait d’en croiser un sur mon chemin, je restais indifféremment le même, disons sur le m

Argent vs Sens

I educated myself out of a job (1), disait un jeune américain à son compatriote, un écrivain dont je ne me rappelle malheureusement plus le nom. Le jeunot, un étudiant à l’universitaire, jugea sage en ces temps d’incertitude de mettre de côté ses études et de se reconvertir dans la mécanique automobile alors un secteur porteur et qui, croyait-il, le tirerait à bon compte de l’embarras alors pesant le monde entier(2). La même impasse, quelques années plus tard, rappelait à Robert Musil un propos de Hölderlin comme quoi il n’y aurait plus en Allemagne que des métiers, et pas un seul homme. Quand on lit les Lettres de l’auteur de l’Homme sans Qualités, l’on comprend aisément pourquoi cette réflexion ; ces dernières étant consacrées au dire même de son traducteur , à des considérations bassement alimentaires : se proposer en tant que chroniqueur sportif (Lui R. Musil !!!) pour tel journal, demander de l’argent à tel autre éditeur comme avances sur ses droits d’auteur pour le livre qu’il

Profession de foi (Ibn arabi)

لقد كنتُ قبل اليوم أنكر صاحبى/// إذا لم يكن دينى إلى دينه دانى وقد صار قلبى قابلاً كل صورة/// فمرعى لغزلان وبيـت لأوثان وديـر لرهبان وكعبة طائـف /// وألواح تـوراة ومصحف قرآن أديـن بدين الحـبّ أنىّ توجهت /// ركائبه فالحب ديـنى وإيمانى أبن عربى

Double Postulation 2

"Ils n'ont pas la foi, ils n'ont que des habitudes d'église" Flaubert Non. Je ne jeune pas et je m'explique : Non pas qu’Iblis m’en ait tiré la promesse ou que la faim et la soif ne cadrent pas avec ma grille fondamentale. Rien de tout cela messieurs ; juste que je suis diabétique et qu’à chaque année, le Ramadan venu, je m’en remets à mon toubib comme d’autres à leur Dieu. Le mien de toubib me signe un papier sans lequel je ne saurais mâcher de chewing-gum sur la place publique, comme à mon habitude l’année durant. Faut vous avouer que je suis un grand mâcheur de chewing-gum devant l’Eternel. Mais la smala ne voit pas le papier d’un bon œil et disait le monsieur débonnaire, qu’il a les mêmes habitudes que moi au club des Mohocks et que s’il me signe le papier, ce n’est jamais qu’à tour de revanche, vite monnayée en bières écumantes une fois le club ouvert. En somme, aux yeux de mon entourage immédiat, je ne suis diabétique que sur le papier, un sauf-conduit

Double Postulation

Qui d’entre nous, piétons malheureux, n’a été arrosé, au moins une fois dans sa vie, de ces eaux usées qu’une ménagère dut déverser sur lui par inadvertance ou parce qu’à la construction de l’immeuble, l’entrepreneur avait jugé tout à fait superfétatoire d'équiper la bâtisse correctement, avec canalisation conséquente. Des frais inutiles donc mais , une fois l'immeuble investi de Macorains, la ménagère s'en trouve acculée au mur, sans aucune autre alternative sinon d'y aller, en bonne Macoraine donc, le seau plein d'eau usée à la main et gare aux eaux usées! Qu’un piéton philosophe fasse les frais de cette canalisation défaillante voilà qui lui intimera tout au plus une réflexion, faisant du fâcheux incident un fait culturel chez nous, généralisable à l’ensemble de la nation, par trop occurrent. Ce piéton, j’imagine, s’essayerait du mieux qu’il pourrait, en se rebiffant un peu à la manière des chiens et tout au plus, rebrousserait-il chemin pour en filer une

Le Cocu Magnifique 20/20

La nuit, j’en rêvais. Toutes les nuits. La dernière me donna à voir que j’étais quelque part en Chine, dans le Palais d’Eté de Pékin, assis sur le Trône, la posture souveraine, la main droite sur le pommeau de mon glaive… mon chambellan vint vers moi, m’annonça le plus sereinement du monde que mon empire était en proie aux émeutes, que les peuples jusque-là résignés s’étaient insurgés contre mon autorité et que la Muraille que je venais de bâtir venait de s’écrouler et pour finir ajouta ceci : Il suffit que vous vous teniez, Empereur, droit, ainsi que vous êtres présentement,sur votre Trône pour que l’ordre règne dans ce monde! Je me réveillai sur le coup, même si j’étais à l’époque de ceux qui disaient qu’un songe, fût-il d’été, ne saurait être rendu temporellement en terme de jours, de mois… voire en siècles. Je devais avoir vu alors se défiler sous mes yeux l’Auguste Histoire de la Chine , depuis ses premiers balbutiements jusqu’à son accomplissement historique et matériel,

Le Cocu Magnifique 19/20

Force m’est de constater, après 20 ans de vie commune avec Aïcha, qu’on n’est jamais cocufié de la même façon. Au mieux, on l’est par son voisin de pallier, au pire par un certain Amr Khalid, l’homme qui aura cocufié le plus grand nombre d’hommes de ce monde. C’est à lui que je dois personnellement le fait de porter des cornes à l’heure qu’il est. En assénant un coup de canif dans le contrat, Aïcha n’aurait fait que succomber non pas à l’argumentaire de l’homme, mais juste au trémolo de sa voix , quand bien même son style ne tient ni du crooner, ni du chanteur de charme. Il y arrivait pourtant sans se donner trop de peine. Il lui suffisait pour cela de s’en tenir à l’anecdotique, en relatant le premier pan de notre histoire de musulmans. Les personnages, historiquement situés et même par endroits identifiés comme de sanguinaires acteurs politiques, sont décrits de la façon qui sied aux anges. Des milliers de femmes sont ainsi ravies à leurs maris, à leurs enfants… parce qu’un jour

Le Cocu Magnifique 18/20

Ainsi que pour Isaac B. singer qui, écrasé par l’usage intempestif de l’anglais, disait aller chercher au fond de la cuisine une certaine épaisseur des mots, en écoutant sa mère papoter avec sa grand-mère en yiddish, sa langue maternelle… Il en était de même pour moi, avec Saadia, encore que je ne cherchais dans nos discussions aucune résonance vaginale, aucune profondeur aux mots, juste le plaisir d’en échanger avec elle, de ces mots de tous les jours, fussent-ils creux et oiseux. -Merci ! lui dis-je quand elle me tendit un plat rempli de morceaux de salami, disposés en amuse-gueules, les uns ronds, les autres en forme de croissant, d’autres encore sous les formes les plus répandues de la confiserie marocaine. Cela, me dit-elle plus tard, les rendras moins impie aux yeux de Aïcha. - Mais arrête de me dire merci ! je vais croire que t’en as après mon cul ! il n’y a plus que les idiots et les parvenus qui bravent encore le mot, à table, avec leur bonne… -ou les gentle

Le Cocu Magnifique 17/20

Elle voulait qu’on s’attardât un moment sur l’impossibilité qu’il y a à être gentleman dans notre contexte culturel, reconnaissable depuis ibn Khaldoun par le couscous et le burnous. A ta place, me dit-elle, je n’y irais avec la métaphore du préservatif et du rendez-vous littéraire. Pas plus qu’en veine de judaïcité, l’on ne saurait montrer sa chose sur la place de Jamaa Lefna pour prouver aux gens qu’on est au nombre du Peuple Elu. Cela pourrait faire, à l’occasion, judaïque, mais pas forcément, pas plus qu’un de tes tête-à-tête littéraires ne saurait faire de toi un gentleman du seul fait d’y avoir pris plaisir sans le préservatif. Une métaphore, cela ne se nourrit pas seulement de l’analogie, mais de l’air du temps aussi. -L’air du temps !? lui rétorquai-je, comme pris au dépourvu, l’esprit de la répartie me faisant défaut. Je ne la croyais pas capable de pareilles constructions mentales, même avec l’intellect de Aïcha décidément le sien, revu et annoté cependant. -Ou

Le Cocu Magnifique 16/20

-Désespérément gentleman ! … cracha encore une fois Saadia, toujours dans la cuisine. Furieux, je me levai et emportai avec moi dans ma furie la lourde chaise pour, eus-je laissé croire, le lui casser sur la tête. Mais une fois dans la cuisine, j’eus droit à l’une de ces fantasmagories dont je devais m’accommoder par la suite mais qui, sur le coup m’apaisa: Saadia attablée, seule avec exactement le même menu que nous, Aïcha et moi, juste qu’il manquait à la scène une ou deux rondelles de salami pour que c’en soit la réplique parfaite. La situation avait tout pour tenir d’un sitcom ubuesque où l’on est droit à tous les revirements imaginables, les plus cocasses comme les plus surréelles. Une fantasmagorie ! rien à dire et j’aime. -On ne brutalise pas Lalla Zita, voyons ! dit-elle, et si tu t’assoies ? j’ai à te parler … Je m’exécutai comme sous l’envoûtement de son regard toujours bovin mais devenu entre-temps très sûr. -Justement ! Parlons-en… de ce qui m’arrivai

Le Cocu Magnifique 15/20

Le matin d’après à 6 heures, Saadia m’arracha à mon sommeil d’un jet d’eau qu’elle s’administra si bruyamment … j’ouvrai l’œil, les pupilles toutes dilatées et regardai la petite effrontée, nue à se savonner le corps, les gestes allusifs et le regard on ne peut plus bovin. Elle s’enroba dans le peignoir en soie de Aïcha et vint vers moi le pas félin. Elle me frôla la couenne du pan de son peignoir et me donna à voir son être jusqu’au dans sa plus simple expression, ainsi que j’avais lu dans les Possédés, « La bête sortit ses griffes ». le temps de m’asseoir, de me mettre les lunettes sur le nez pour réaliser ce qui m’arrivait, maladroitement car je n’ai pu m’y prendre avec qu’en deux temps, ayant de ces nez en bec d’aigle, que déjà Saadia eût la bonne idée de ramener vers elle son peignoir et de se couvrir tout à fait. Elle dut prendre ma maladresse probablement pour un niet sans équivoque ou alors s’était-elle mis dans la tête que ce fût là la façon qu’ont les intello pour dire non

Le Cocu Magnifique 14/20

A vrai dire, on eût pu rire de tout cela, mais pas Hamza. Il devait lui aussi avec survécu à pareille épreuve. « ne te confonds pas en explications, cela ne fera que raviver le sentiment de ton impuissance… des scènes de ménage comme celle là on en eût compté une myriade depuis le temps, qu’avant toute rupture, tout divorce il s’en passe de ces petites explications entre hommes et femmes, mais au lieu d’aller jusqu’au bout dans l’explication, on préfère y couper court chez l’avocat » Tiens ! » me dit-il en me fourrant le matelas entre les bras après l’avoir ramassé et épousseté un bon coup, ainsi qu’une maman avec le nounours de son enfant dont elle ne sait encore qu’une seule vérité : qu’il est incapable de se tenir tranquille seul, la nuit dans le noir. C’est ainsi que Hamza alla même jusqu’à me raccompagner à la salle de bain devenu mon lebenslief, mon espace vital. Il jeta le matelas par terre et fixant du regard les petits dessous de Saadia rangés soigneusement à côté de

Le Cocu Magnifique 13/20

Pourtant Aïcha n’a été qu’à mi-chemin de son Damas. Mes livres durent y passer par la suite, comme en supplément thérapeutique à mes mod con, et c’était encore plus dur à voir que pour le minibar dégueulant mes nourritures terrestres dans leur chute inexorable . D’abord les Beaux Livres « Le cercle du livre Précieux » autographiés Claude Tchou, mes Pléiades tout aussi imposants...avant d’en venir aux in-folios de tout genre et aux livres de poche. Elle en choisit de volumineux, partant du principe que plus c’était lourd et plus ce serait chaleureusement applaudi par les badauds. Malheureusement pour elle, son entreprise les laissa tous de marbre. Des livres ainsi jetés, haïs… la scène ne devait pas les indisposer outre mesure, du moment que c’était déjà inscrit dans leur ordre des choses, et même dans leur « doxa », une certaine idée du bonheur faite de la seule oralité. Il lui fallut en venir à l’épreuve du feu. Elle balança alors « Le Capital » en criant que la photo sur le livre,

Le Cocu Magnifique 12/2o

Venue son heure de vérité, Aicha piqua sa crise et se mit à jeter par la fenêtre tout ce qui lui était à portée de main, c'est-à-dire mes effets personnels, exclusivement. Tout y passa alors : mon ordinateur dont elle s’était débarrassée en deux temps, puis dans l’ordre, ma télé, ma machine à écrire, ma chaînette HiFi, mon radio-réveil, mon micro-onde … une nuée de badauds s’était rassemblée autour du spectacle, le regard vertical suivant la trajectoire que prenait mes gadgets depuis le troisième étage. Maintenant que j’y pense, je peux me rappeler le sourire de satisfaction qui se dessinait alors sur leurs lèvres à chaque chute, ce spectacle me hantait depuis et longtemps après, continuais-je à dire que c’était là juste un phénomène de persistance rétinienne, pour ne pas avoir à cogiter sur la symbolique de cette scène, à la scotomiser pour ainsi dire. Les seuls du reste à pâtir, c’étaient mon ami Hamza qui resta chevillé à mon bras en prévision d’une réaction imprévisible de ma p

Le Cocu Magnifique 11/20

Cela ne me faisait aucun effet, aucun mystère à entretenir là-dessus: si Hamza était là, sur les pas du Roi Salomon, c’est qu’il a dû passer par la fenêtre de la salle de bain, laissée ouverte entre-temps. Seule explication plausible à cette intrusion car je ne reconnaissais aucun don d’ubiquité à l’homme qui le ferait planter ainsi hic et nunc alors qu’il était supposé être à 240 Kms de là. Ma première réaction était d’aller lui chercher un verre de whisky, l’air désolé que ce fut seulement du spiritueux et non pas du sang de Jésus Chris, ainsi qu’il aimait à appeler lui aussi son Moghrabi. Quand j’étais revenu, je l’ai trouvé arborant lui aussi le soutien-gorge de Saadia sur la tête, sa main droite sur sa chose, prenant la même posture que moi tout à l’heure, ou celle de Napoléon deux siècles plutôt, ou encore celle du Roi Salomon voilà une éternité … -tu t’en souviens encore ?! Me lança-t-il, avec un sourire qui tranche avec celui des gens de khouribga, tant leur émail était

Le Cocu Magnifique 10/20

Plus extraordinaire encore que la visite du Roi Salomon, était à mes yeux celle qui lui succéda, par je ne sais quel hasard, de mon ami d’enfance, Hamza. Dans le temps on le prenait pour le roi incontesté de la bacchanale et avec un peu de culture l’aurait-on volontiers auréolé de noms émanant de légendes lointaines : Thor, Laukhard, Brandicus, Bacchus… Sauf qu’à Khouribga, sa ville natale où il avait établi sa légende de buveur de Moghrabi (1), les gens aimaient à voir dans la corde raide la symbolique de leur vie et la culture était pour eux un luxe dont il était de bon ton de se passer. Les hommes passaient leur journée dans l’antre de la terre, des galeries souterraines faites de phosphates, qu’une fois à la surface, leurs besognes finies, les uns allaient de pas ferme à la mosquée, remerciant Dieu de leur avoir épargné la vie, les autres au bar, d’un pas tout aussi ferme et de loin plus nombreux. A ce titre là, Hamza encore au banc de l’école aimait à dire, pensant à son père min

Le Cocu Magnifique 9/20

« Ce n’est qu’en blasphémant qu’on devient intéressant aux yeux de Dieu » L’idée m’arracha du sommeil, tant elle était forte de par sa seule formulation, et allai la noter sur mon calepin, comme à mon habitude ces moments-là, quand le Roi Salomon m’en empêcha. Oui ! Le Roi Salomon était bien avec moi, entré je ne savais comment dans la salle de bain où je devais dormir sur l’ex matelas de Saadia. Si j’avais pris pour tel l’homme, le patriarche devrais dire tant sa barbe m’en imposait, c’est que je ne pouvais pas le rater, moi qui avais passé le plus clair de ma vie à l’ombre du Midrach, l’étudiant sous toutes ses coutures, les plus énigmatiques comme les plus insolites. -N’écris rien ! me dit le Roi Salomon. Si toi qui en es l’auteur et c’est justement pour cela que je quitte mon caveau pour discuter avec toi. Laisse-moi d’abord te dire que la posture que tu avais prise tout à l’heure devant la glace n’était guère de Napoléon, mais la mienne propre, quand voilà je ne sais