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Affichage des articles du septembre, 2005

Sale temps pour un épicier

J’ai la trouille ! rien qu’à y penser : Ramadan est dans quelques jours… Le temps de payer son dû au Léviathan, les impôts donc et à l’instant même où je m’apprêtais à vider les lieux - de la trésorerie, vous l’aurez compris- que quelqu’un dût actionner la sirène pour voir si elle fonctionnait et la changer au besoin en prévision de l'usage qu'il en serait fait tout au long du mois sacré, un préposé à municipalité certainement. Un son assourdissant, La sirène étant du genre qu’on actionne aussi dans les pays policés mais seulement en cas de force majeure, pour avertir les citoyens qu’un raid ennemi est à craindre et qu’il faut éteindre de toute urgence les lumières -et si c’est possible se planquer au sous-sol, ou encore pour les tenir avertis qu’une catastrophe, genre Katrina, charge sur le pays… En abordant enfin les marches pour quitter définitivement la trésorerie, j’ai eu le sentiment d’aller être doublement cocufié cette année : je paye mes impôts dans un premie

ISU SANGRIA PARTY

A chacun sa Chaabana! On appelle Chaabana, dans le jargon des ivrognes, la dernière coupe, le dernier coup d’étrier qu’on décoche à quelques jours du mois du ramadan, car après, à ne pas se leurrer, ce sera le régime sec pour tout le monde. Les bars baisseront rideaux, idem pour les débits de boissons alcoolisées, … Les plus amers d’entre eux, d’entre les ivrognes donc -et je m’estime du nombre, vont dans leur dépit jusqu’à baptiser religieusement leur dernier coup d’étrier ainsi : chaabana. Ce mot veut dire, dans son acceptation première une petite fête organisée à la mi-Chaabane, le mois qui précède ramadan et qui prélude pour notre malheur, nous ivrognes, à notre mise au régime sec. Alors pour nous en sevrer, on s’ingénue à imaginer le truc le plus aberrant qui soit et qui serait à même de nous en dégoûter et de rendre notre sevrage ramadanien le moins pénible, nous rendre la pilule pour ainsi dire moins amère. Il a été décidé pour cette année qu’en veine de chaabana, l

Fleur de Savane

L’homme ivre, le geste prompt, secondé par une vigueur insoupçonnable chez les vieux de son âge et déjà que son vis-à-vis, pourtant plus jeune, s’en trouva du coup catapulté deux mètres plus loin. Le jeune se remit sur pieds et dit comme à son attention propre, la voix à peine audible : -Pourtant je vous ai juste demandé mes 6 dirhams, le prix des trois cigarettes que je vous ai vendues voilà 3 mois… il n’y avait pas de quoi me traiter ainsi. -mais tu aurais dû me le demander sans que tu me mettes les patoches au cou, comme si l’on avait gardé les cochons tous les deux ! Sais-tu seulement qui suis-je ? -Non! Je ne me le permets pas monsieur … vous êtes un homme respectable. Monsieur ... -Bien sûr que je suis un homme respectable et honorable ! et se peut-il seulement en être autrement quand on est commandant de son état, qui plus est à l’Administration des Douanes et Impôts Indirects,! -mais c’est long ! monsieur, trois mois que je vous cours après, q

Le Scandale

La bourgeoise s’était risquée jusqu’au fond du bar pour chercher son bourgeois, un certain Châiba, complétement absorbé par son jeu de cartes favori, le rami donc, avec ses trois autres compères, autour d’un kil de Moghrabi, l’inénarrable vin rouge marocain auquel, soit dit en passent, l’on doit les meilleures pages de la littérature maghrébine : Mohammed Khaïr-Eddine, Mohammed Zefzaf, Mohammed Choukri, Driss el Gass (alias driss khouri)… Mais elle y était venue en femme outrée de devoir ainsi, comme à chaque fin de mois, aller le chercher dans tous les coins que la morale réprouve, faire le tour des bars, un enfant à sa main droite, un autre à sa main gauche, un troisième lui tenant le pan derrière de sa djellaba et le toute petite dernière de la rédaction lui juchant sur le dos…Une fois l’oiseau rare enfin déniché, elle lui mit le grappin dessus, s’y accrochait de toutes ses forces, le sommait de vider la poche avant qu’il ne boive le salaire du mois et de s’en trouver, elle et ses q

Monnaie de singe

En bon arabe qui se respecte, je m’étais installé donc au zinc et du regard intimai à la barmaid de nous brancher sur al Jazeera, la chaîne qatarie. Elle s’y était faite l’instant même, l’émission en question aurait à ses yeux, le mérite d’occuper un moment les radins et les nullards parmi sa modeste clientèle: les intellos. Ceux-là même qui buvaient comme des loutres, qui tapaient fort sur le comptoir à chaque assertion, à chaque réplique de l’un ou de l’autre des debators, mais n’allaient jamais dans leur saoulerie respective jusqu’à braver la moindre largesse à la faveur de la pauvre femme, la barmaid donc, pourtant sur le pied de grue depuis voilà vint cinq ans, à subvenir à leurs besoins, à leur décapsuler du jus de chaussette et de la pisse de cheval, selon leur bon vouloir… elle s’exécuta et du regard me signifia qu’on allait bientôt nous dilater la rate, quand ces messieurs seraient tous cuits et qu’ils auraient à se rendre encore une fois à l’évidence : un petit Etat

Ecce Homo ...

-Avez-vous mangé par le passé un hamburger ? Demanda le professeur universitaire et néanmoins éminent sociologue marocain au gars qui voulait le voir pour l’encadrer dans sa thèse, en sociologie rurale. L’Etudiant, fraîchement débarqué des Monts Zbarbars, gardait encore sur lui son accoutrement de tous les jours : une djellaba, des babouches et un turban en mousseline. Une espèce de l’homme bleu des hauteurs. C’était probablement cela même qui outrait le professeur, qui lui faisait voir en l'homme une fission sémantique personnifiée, criarde et intolérable. -non monsieur le Professeur, je n’ai jamais mangé par le passé un hamburger. Je sais seulement qu’il y est question de viande marocaine, de pain marocain et occasionnellement de la tomate marocaine. Seule son appellation est étrangère… -Désolé ! Mon fils…ce ne sera toujours que cela, un hamburger! Mais , le cas échéant,je ne saurais perdre mon temps avec vous sur ce travail là car, quand on est montagnard et q

Bénédiction !

Peut-on aimer son prochain ? Je pose la question une énième fois pour m’avoir observé à l’œuvre au bar, tout à l’heure… Quand je m’y étais mis, au coin des dieux donc, il n’y avait pratiquement personne, en partie parce que l’heure était au déjeuner, me disais-je, en partie parce que nous étions au mois sacré de Chaâbane et que les deux facteurs réunis faisaientt du lieu, la veille encore grouillant de monde, ce qu'il en était adevenu alors : un vrai désert, la terra nullus . A voir ainsi le Club des Mohock aussi vide, aussi exsangue, une idée se mit à me triturer la cervelle : Et si c’était le signe dont on glosait tant : le retour du religieux, de ce siècle qui sera religieux ou ne sera point, du regain de la foi, du return of the monk … et allais , par pure extrapolation, accorder de la fois à tous les sondages qui abondaient dans ce sens. Qu’un tant pour cent d’Americains reconnassait dans le wasp son idéal de classe, qu’un tant pour cent de Français s’estimaient de pl

le Mâle dominant

Il l’est sans conteste aucune, El Hadj Ammour, le mâle dominant du Bar. Non pas qu’il y ait gagné ce titre de hautes luttes à la manière des boucs et des chamois ou qu’il ait engagé un bras de fer avec les habitués du coin, les balayant tous d’un revers de main pour asseoir son autorité sur cet espace. L’homme ne pouvait se permettre cet exercice, vu son âge, presque un septuagénaire. Aussi, l’appelle-t-on Hadj sans qu'il ait jamais pris son bâton de pèlerin, juste que l’homme avait une callosité de la taille d’un timbre sur le front qu’on mettait sur le compte d’une longue pratique religieuse. Or les avertis n’en croyaient pas un mot : l’homme se saoulait tout le temps et chaque fois qu’il allait aux toilettes, il ne pouvait s’empêcher d’appuyer sont front contre le mur, la queue dans le pissoir … il ne pouvait pas tenir debout autrement, il s’écroulerait du haut de son âge canonique. D’où le tampon sur le front… S’il est donc le mâle dominateur, c’est qu’il est le seul

L'Homme à la Che

Je persiste à pense que de tous les bus du monde, ceux de Kénitra sont en droit de passer pour les meilleurs. Ils sont sales, certes, infestés de pickpockets, de détraqués de touts genres, de mendiants, de prostitué(e)s, de psalmodiers, d’ivrognes, de clochards célestes, de resquilleurs, de troubadours… bref : ils sont à l’image du bled. Quelque soit la ligne que vous prenez et l’heure qui vous en inspire l’idée vous pouvez être sûr que le spectacle sera du voyage, non pas sur toute la ligne, mais juste à un moment ou à un autre du trajet et tout ce qui vous reste alors c’est de brancher votre antenne, vous mettre pour ainsi dire sur le stand-by, le ticket dans la poche ainsi que dans le cirque… et soyez confiant ! L’autre jour, j’étais avec ma mère à bord d’un de ces engins. Curieusement, rien ne se passait ; il n’y avait à bord que des gens très comme il faut, des passagers posés à lire qui son journal, qui son livre, corrects à ne pas se triturer le nez ostentatoirement, pas

El Kamouni, le Roi des Embelliféracées

Cumin, trop cumin ! Cummin, All Too cummin ... C’est connu ! l’Homo Cuscussus est au cumin ce qu’est le beurre à la margarine. De la même famille, certes, mais l’on ne saurait prendre l’un pour l’autre, et inversement… Pourtant l’on ne peut avoir, non plus, la saveur du premier sans le frotter, ni la vérité du deuxième sans l’écorcher …et c’est là à la fois la loi du genre et la sagesse populaire qui parlent ! De même que l’autre jour, alors que j’étais devant mon ordinateur à égayer mon chômage technique, tchatchant un moment, scrabblant un autre … quand un monsieur entra chez moi, dans la boutique donc, un document à la main. Je me déchevillai alors de mon ordinateur, allant à la rencontre du client avec un de ces sourires qui tiennent plus de l’automatisme professionnel que d’une quelconque bonhomie. Il était là donc, le monsieur, et il me fallait bien composer avec. Je ne demandai que cela, pour le moral du tir

Et l'Horreur continue ...

Je peux le dire maintenant que c’en est à présent deux mois, jour pour jour, à composer avec le nouvel horaire continu. Un calvaire pour les uns, une aubaine pour les autres. Les gratte-papier s’accusent ainsi de camp et chacun des deux côtés file de son mieux et l’argutie : on est père de famille et le verbatim : les enfants n’ont plus personne pour s’occuper d’eux à la maison, devenus du coup des latchkey children , qui seront obligés avec la nouvelle rentrée scolaire à renter seuls à la maison pour n’y trouver personne … et c’est là le signe certain, me disait l’autre jour un de ces gratte-papier, d’une américanisation certaine de la société marocaine et c’est méprisable, ajouta l’homme. Connaissant l’homme j’étais resté imprenable à son argumentaire. Il est en effet de ceux qui pendant le travail, aiment à faire sa grille quotidienne des mots fléchés, à prendre son café sur la terrasse d’en face,à arrêter par téléphone le menu du jour et, venue l’heure de la prière, monsieur y va