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Affichage des articles du mai, 2005

LA LECTRICE

Non ! la langue ne lui avait point fourché. Il ne savait que trop ce qu’il voulait, le bout de femme qui était venu tout à l’heure chercher son canard. Quand elle a soufflé le mot pour la première fois, je me crus devant un de ces lapsus et m’étais composé un vicieux rictus un peu à la manière des ces psy de dimanche, dont toutes les connaissances en la matière ne vont jamais au-delà de quelques lectures vulgarisatrices, genre Pierre Daco et consorts. La suite me prouva qu’il n’en était absolument rien, dans le cas de cette lectrice avertie … - 3andak mina al 9albi ila al 9albi ? (traduction : as-tu [la rubrique du journal marocain al Ahdath] A Cœur Ouvert ?) De la tête j’opinai que c’était oui et, pour lui être agréable, j’allais moi-même le lui chercher. Une fois en main, celle-ci l’ouvrit, mit de côté les pages en question et le plus naturellement du monde, froissa le reste pour le jeter par la suite dans la poubelle. Je la regardais faire et ne manquai pas

Bud vs. Stork

je persiste à penser que s’il doit y avoir une grande vérité du Maroc, elle ne serait à solliciter ni dans sa constitution, ni dans son histoire, ni dans son architecture, sa musique, sa poésie ou sa cuisine … même pas dans les audits savamment libellés d’un Mackenzie ou dans un de ces rapports pathétiques du PNUD. Sa vérité est là où l’on s’y attend le moins : dans ses bars. La scène suivante eut lieu dans un de ces bars minables, La Croix de Lorraine pour ne pas le nommer. Nous étions quelques clients à siroter religieusement qui sa pisse de cheval, qui son jus de chaussette, qui son sang de Jésus, qui son tord-boyaux… bien entendu, je faisais partie du nombre et d’ailleurs sans cette présence cette note serait tout bonnement inconcevable et vous seriez, Ô lecteurs , morts sans avoir mis le doigt sur ce qui fait du Maroc le Maroc, un pays du tiers monde. Or venue la Fin du Temps, vous en seriez redevables devant le grand Eternel et il vous en coûterait alors d’avoir pas

kif kif & fik fik

Cours de dialectal marocain Venue leur énième nuit, el hadja Chahrazade passée alors maîtresse dans l’art de la rallonge et du bagout s’aperçut subitement que son sort allait être bientôt scellé et qu’après tant d’histoires Chahrayar ne manquerait pas de signer son arrêt de mort. Pourtant, elle ne déméritait pas pour lui trouver chaque nuit une histoire encore plus agréable à écouter que celle de la nuit d’avant. Rien n’y faisait, el hadj Chahrayar ne disait mot, se suffisant d’un mutisme qui en temps normal précédait ses légendaires décisions qui faisait couper les têtes aux tanagras et aux pin-up d’antan. Pour une fois, El hadja Chahrazade se sentit à court de mots, s’en remit alors à son instinct de femme et rangea de côté sa rhétorique et ses belles figures de styles pour s’essayer à autre chose. -Sidi el Hadj, l’aborde-t-elle enfin, tu sais quel est le sobriquet qu’on m’a collé dans Votre auguste entourage ? -… - Et bien ! on ne m’appelle plus que par « la Pu

la Nuit et le Masque

Je me demande ce que je serais devenu à l’heure qu’il est, si j’étais une fille marocaine, pauvre, vivant à Agadir, ayant en charge à moi seule un enfant ou une famille nombreuse, et avec ça, des rondeurs là où il faut ….Mourais-je de faim pour faire plaisir à cet imam qui disait, mot à mot, qu’une femme libre crèverait plutôt de faim que de recourir à ses seins pour subsister… ferais-je de mes rondeurs ma raison sociale et y irais-je franchement, sans sourciller ? Aurais-je des scrupules ? ou alors avec un masque sur visage et une volonté aussi ferme que celle qui fait pousser mes compatriotes mâles à devenir des « wet neck », en prenant de ces barques à la faveur de la nuit pour passer à l’autre côté du Détroit, au risque de leurs vies… Je n’en sais absolument rien. Seulement que…Mon drame ne ferait pas les choux gras de la presse nationale car, plus intéressent encore à visionner que ma misère et mes rondeurs, serait le caleçon blanc immaculé de Saddam Hussein. A peine m’étonne

Cheikhate Oued Zem & the first amendment

Je ne sais pas si en chantant les paroles qui sont les leurs, salaces et impies, Chikhates Oued Zem et au-delà nos Hajib et nos Irsmouken ne s'étaient-elles pas placées, mine de rien, sous le First Amendment. Elles étaient les seules en effet à faire fi des pesanteurs sociales, politques, religieuses, voire ontologiques .., à pouvoir clamer impunément l’espace d’une chanson leur soif bacchanale et leur manque de foi en Allah ; les seules à faire leur déclaration d’amour au monarque dans une langue qui frise le lèse-majesté … tout autre écrivain, intellectuel ... aurait été tazmamarté (ne dit-on pas embastillé?) pour moins que cela, leur alibi à cet égard semblait être leur ignorance crasse et leur sauf-conduit résidait dans une sorte de jactance à laquelle avait droit les seuls compatriotes de Driss Basri. Et l’on se souvient encore des tribulations européennes du groupe marocain Lemchaheb pour ne pas avoir trop appuyé sur le « ss » d’ahaidouss (danse folklorique marocaine) donnan

Verbatim

Le client demande un thé à la menthe. On le lui apporte. Il se désiste in extremis et recommande alors un café noir. On le sert. Il boit son verre et se prête à partir sans payer quand le garçon l’interpelle : -le garçon : monsieur ! vous n’avez payé votre café … -le client : mais je l’ai pris à la place du thé à la menthe ! -le garçon, méditatif : alors payez-moi le thé à la menthe … -le client : comment voulez-vous que je paye une boisson que je n’ai pas bue ! Le client peut partir enfin sans être interpellé et sans qu’on lui mette le hola … Passée la porte, il entendit un pauvre hère monologuait tout à lui, ivre, dans un bel arabe dialectal ce qu'il était en droit de prendre pour du haiku fait par un de ces illustres anonymes : lien

Jeu musilien

D’un platane à l’autre Désabusement accoudé à mon comptoir, je pouvais les observer, la cibiche à la bouche, la bière à la main, le chrono à l’autre, le vague à l’âme, allant leur bonhomme de chemin, l’allure aléatoirement altière, pressée, posée, olympienne, claudicante… les passants, et c’est d’eux qu’il retournait, m’offraient ainsi une occupation toute musilienne. Ils devaient traverser sans s’en douter une piste que j’avais délinéamentée par deux platanes à leur attention. Tout mon travail consistait alors à noter les performances des uns et des autres, le temps qu'ils mettaient tous pour passer d'un arbre à l'autre. L’exercice, loin d’être anodin, s’avère de l’ordre herculéen car « l’activité musculaire d’un bourgeois qui va tranquillement son chemin tout un jour est considérablement supérieure à celle d’un athlète soulevant, une fois par jour, un énorme poids ; ce fait a été confirmé par la physiologie » R. Musil Tous y passèrent alors : -B’hi le clodo : 1 minute 2

CHKOUN JABOU FIHA?

« Dieu aime se complaire dans son œuvre, l’homme aussi. » Chamkharra (un sage de Tiznit) J’en connais de ces jeunes papas qui s’enthousiasment devant les faits et gestes de leurs tout premiers petits et vont jusqu’à déceler chez eux quelques traits du génie. Ce don de reconnaître du « génie au génie » encore au berceau s’émousse au fil du temps et au dernier de la rédaction on lui dénie tout, les premiers émerveillement ayant fait leur temps. Et c’est normal. Même si des fois les gestes qui font tant épancher les papas et les mamans ne sont pas les signes avant-coureurs du génie qu’on veuille bien nous faire croire. Mais encore une fois, c’est tout à fait normal. Dame Nature nous a ainsi crées … Des fois aussi, les petits qu’on prenait pour quelconques savent nous surprendre avec les mots disons adultes et une syntaxe inédite qui sont les leurs. Ainsi l’autre jour, au baptême d’un bébé, Houda, on appela Annir, un enfant d’à peine 3 ans demi pour lui dire : -viens voir qu’est-ce qu’o

Ecoutez-moi ça !

écouté chez un marchand de K7 à el Khabbazate (rue commerçante à Kénitra) Un couplet signé par un de ces chanteurs chleuhs, un raiss donc : -Issen ganga rissemgane -walli ass issen Traduction : -De tous les « nègres », -le tambour reconnaît gré seulement à celui qui sait lui taper dessus. Pris littéralement, est-ce du racisme ? (et c'est du racisme) Pris métaphoriquement, est-ce une allusion au masochisme marocain ? (Et il existe)

De la richesse

Un Allemdand a dit un jour : La première génération crée une richesse, la deuxième gère cette richesse, la troisième fait l'histoire de l'Art. la quatrième s'éteint. L’extrapolation marocaine : Il suffit à Mr. Fertellane de mettre la main dans la poche des citoyens, de tremper dans les caisses de l’Etat pour assurer du coup l’avenir des quatre générations à venir. Quant à l’art et à son histoire, Mr. Fertellane s’en fout. D'ailleurs sa villa est à son image : de la richesse et du mauvais goût et de tous les arts, Fertellane se suffira volontiers d'une belle calligraphie en arabe : hada min fadli rabbi . (Dieu m’a donné cela)

Ecce Homo

André Chouraqui l’avait si joliment dit : l’histoire est une chose toute mentale. Jugez-en par vous-même : Je découvre que le roi marocain qu’on disait traitait d’égal à égal avec le Roi Soleil au point de lui demander solennellement la main de sa fille. L’homme qui tenait au respect les roitelets de l’Europe d’alors .Le roi qui avait instrumentalisé le premier, bien avant la psychologie moderne, « la psychorigidité » en faisant déplacer les tribus séditieuses d’un territoire à l’autre pour les punir ou les pacifier… l’homme ne s’était jamais fait seller son barbe pour aller jusqu’à … Tadla. D’où l’expression, ma b3ida ghir Tadla. Le Roi Salamon dont on disait qu’il avait ravi, telle une Sabine, la Reine de Saba. Le Roi dont on disait qu’il parlait aux fourmis, qui s’était adjugé les services des Esprits …, Cet homme donc régnait sur un minuscule royaume grand comme une juridiction de l’un de nos actuels gendarmes …

le degré walou de la tolérance

Sommes-nous, comme certains se plaisent à argoter dessus, un peuple tolérant ? Juifs vs Musulmans : deux faits historiques L’Histoire nous dit qu’à certaines époques (Almohade, entre autres), les juifs étaient sommés de marcher pieds nus s’il leur arrivait de franchir le seuil du mellah pour leur rappeler qu’ils étaient en terre d’Islam. Ils étaient tenus aussi de descendre de leur bête quand ils croisaient un musulman marchant à pieds … la montagne vs la plaine: Ou quand la géographie arrange bien les choses A leur arrivée au Maroc, les Colonisateurs français étaient étonnés de devoir composer avec une coexistence unique au Monde. Une cœxistence faite à la verticale où les locuteurs du Dad habitaient les plaines et ceux du Badad dans les montagnes … la donne géographique aura servi jusqu’ici pour donner lieu une de ces supercheries que nous gagnerons à confondre … Au bus, Au hammam, sur la route … Il en reste à l’heure qu’il est quelques indicateurs pour juger de cette mythique toléra