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Affichage des articles du octobre, 2005

Argent vs Sens

I educated myself out of a job (1), disait un jeune américain à son compatriote, un écrivain dont je ne me rappelle malheureusement plus le nom. Le jeunot, un étudiant à l’universitaire, jugea sage en ces temps d’incertitude de mettre de côté ses études et de se reconvertir dans la mécanique automobile alors un secteur porteur et qui, croyait-il, le tirerait à bon compte de l’embarras alors pesant le monde entier(2). La même impasse, quelques années plus tard, rappelait à Robert Musil un propos de Hölderlin comme quoi il n’y aurait plus en Allemagne que des métiers, et pas un seul homme. Quand on lit les Lettres de l’auteur de l’Homme sans Qualités, l’on comprend aisément pourquoi cette réflexion ; ces dernières étant consacrées au dire même de son traducteur , à des considérations bassement alimentaires : se proposer en tant que chroniqueur sportif (Lui R. Musil !!!) pour tel journal, demander de l’argent à tel autre éditeur comme avances sur ses droits d’auteur pour le livre qu’il

Profession de foi (Ibn arabi)

لقد كنتُ قبل اليوم أنكر صاحبى/// إذا لم يكن دينى إلى دينه دانى وقد صار قلبى قابلاً كل صورة/// فمرعى لغزلان وبيـت لأوثان وديـر لرهبان وكعبة طائـف /// وألواح تـوراة ومصحف قرآن أديـن بدين الحـبّ أنىّ توجهت /// ركائبه فالحب ديـنى وإيمانى أبن عربى

Double Postulation 2

"Ils n'ont pas la foi, ils n'ont que des habitudes d'église" Flaubert Non. Je ne jeune pas et je m'explique : Non pas qu’Iblis m’en ait tiré la promesse ou que la faim et la soif ne cadrent pas avec ma grille fondamentale. Rien de tout cela messieurs ; juste que je suis diabétique et qu’à chaque année, le Ramadan venu, je m’en remets à mon toubib comme d’autres à leur Dieu. Le mien de toubib me signe un papier sans lequel je ne saurais mâcher de chewing-gum sur la place publique, comme à mon habitude l’année durant. Faut vous avouer que je suis un grand mâcheur de chewing-gum devant l’Eternel. Mais la smala ne voit pas le papier d’un bon œil et disait le monsieur débonnaire, qu’il a les mêmes habitudes que moi au club des Mohocks et que s’il me signe le papier, ce n’est jamais qu’à tour de revanche, vite monnayée en bières écumantes une fois le club ouvert. En somme, aux yeux de mon entourage immédiat, je ne suis diabétique que sur le papier, un sauf-conduit

Double Postulation

Qui d’entre nous, piétons malheureux, n’a été arrosé, au moins une fois dans sa vie, de ces eaux usées qu’une ménagère dut déverser sur lui par inadvertance ou parce qu’à la construction de l’immeuble, l’entrepreneur avait jugé tout à fait superfétatoire d'équiper la bâtisse correctement, avec canalisation conséquente. Des frais inutiles donc mais , une fois l'immeuble investi de Macorains, la ménagère s'en trouve acculée au mur, sans aucune autre alternative sinon d'y aller, en bonne Macoraine donc, le seau plein d'eau usée à la main et gare aux eaux usées! Qu’un piéton philosophe fasse les frais de cette canalisation défaillante voilà qui lui intimera tout au plus une réflexion, faisant du fâcheux incident un fait culturel chez nous, généralisable à l’ensemble de la nation, par trop occurrent. Ce piéton, j’imagine, s’essayerait du mieux qu’il pourrait, en se rebiffant un peu à la manière des chiens et tout au plus, rebrousserait-il chemin pour en filer une

Le Cocu Magnifique 20/20

La nuit, j’en rêvais. Toutes les nuits. La dernière me donna à voir que j’étais quelque part en Chine, dans le Palais d’Eté de Pékin, assis sur le Trône, la posture souveraine, la main droite sur le pommeau de mon glaive… mon chambellan vint vers moi, m’annonça le plus sereinement du monde que mon empire était en proie aux émeutes, que les peuples jusque-là résignés s’étaient insurgés contre mon autorité et que la Muraille que je venais de bâtir venait de s’écrouler et pour finir ajouta ceci : Il suffit que vous vous teniez, Empereur, droit, ainsi que vous êtres présentement,sur votre Trône pour que l’ordre règne dans ce monde! Je me réveillai sur le coup, même si j’étais à l’époque de ceux qui disaient qu’un songe, fût-il d’été, ne saurait être rendu temporellement en terme de jours, de mois… voire en siècles. Je devais avoir vu alors se défiler sous mes yeux l’Auguste Histoire de la Chine , depuis ses premiers balbutiements jusqu’à son accomplissement historique et matériel,

Le Cocu Magnifique 19/20

Force m’est de constater, après 20 ans de vie commune avec Aïcha, qu’on n’est jamais cocufié de la même façon. Au mieux, on l’est par son voisin de pallier, au pire par un certain Amr Khalid, l’homme qui aura cocufié le plus grand nombre d’hommes de ce monde. C’est à lui que je dois personnellement le fait de porter des cornes à l’heure qu’il est. En assénant un coup de canif dans le contrat, Aïcha n’aurait fait que succomber non pas à l’argumentaire de l’homme, mais juste au trémolo de sa voix , quand bien même son style ne tient ni du crooner, ni du chanteur de charme. Il y arrivait pourtant sans se donner trop de peine. Il lui suffisait pour cela de s’en tenir à l’anecdotique, en relatant le premier pan de notre histoire de musulmans. Les personnages, historiquement situés et même par endroits identifiés comme de sanguinaires acteurs politiques, sont décrits de la façon qui sied aux anges. Des milliers de femmes sont ainsi ravies à leurs maris, à leurs enfants… parce qu’un jour

Le Cocu Magnifique 18/20

Ainsi que pour Isaac B. singer qui, écrasé par l’usage intempestif de l’anglais, disait aller chercher au fond de la cuisine une certaine épaisseur des mots, en écoutant sa mère papoter avec sa grand-mère en yiddish, sa langue maternelle… Il en était de même pour moi, avec Saadia, encore que je ne cherchais dans nos discussions aucune résonance vaginale, aucune profondeur aux mots, juste le plaisir d’en échanger avec elle, de ces mots de tous les jours, fussent-ils creux et oiseux. -Merci ! lui dis-je quand elle me tendit un plat rempli de morceaux de salami, disposés en amuse-gueules, les uns ronds, les autres en forme de croissant, d’autres encore sous les formes les plus répandues de la confiserie marocaine. Cela, me dit-elle plus tard, les rendras moins impie aux yeux de Aïcha. - Mais arrête de me dire merci ! je vais croire que t’en as après mon cul ! il n’y a plus que les idiots et les parvenus qui bravent encore le mot, à table, avec leur bonne… -ou les gentle

Le Cocu Magnifique 17/20

Elle voulait qu’on s’attardât un moment sur l’impossibilité qu’il y a à être gentleman dans notre contexte culturel, reconnaissable depuis ibn Khaldoun par le couscous et le burnous. A ta place, me dit-elle, je n’y irais avec la métaphore du préservatif et du rendez-vous littéraire. Pas plus qu’en veine de judaïcité, l’on ne saurait montrer sa chose sur la place de Jamaa Lefna pour prouver aux gens qu’on est au nombre du Peuple Elu. Cela pourrait faire, à l’occasion, judaïque, mais pas forcément, pas plus qu’un de tes tête-à-tête littéraires ne saurait faire de toi un gentleman du seul fait d’y avoir pris plaisir sans le préservatif. Une métaphore, cela ne se nourrit pas seulement de l’analogie, mais de l’air du temps aussi. -L’air du temps !? lui rétorquai-je, comme pris au dépourvu, l’esprit de la répartie me faisant défaut. Je ne la croyais pas capable de pareilles constructions mentales, même avec l’intellect de Aïcha décidément le sien, revu et annoté cependant. -Ou

Le Cocu Magnifique 16/20

-Désespérément gentleman ! … cracha encore une fois Saadia, toujours dans la cuisine. Furieux, je me levai et emportai avec moi dans ma furie la lourde chaise pour, eus-je laissé croire, le lui casser sur la tête. Mais une fois dans la cuisine, j’eus droit à l’une de ces fantasmagories dont je devais m’accommoder par la suite mais qui, sur le coup m’apaisa: Saadia attablée, seule avec exactement le même menu que nous, Aïcha et moi, juste qu’il manquait à la scène une ou deux rondelles de salami pour que c’en soit la réplique parfaite. La situation avait tout pour tenir d’un sitcom ubuesque où l’on est droit à tous les revirements imaginables, les plus cocasses comme les plus surréelles. Une fantasmagorie ! rien à dire et j’aime. -On ne brutalise pas Lalla Zita, voyons ! dit-elle, et si tu t’assoies ? j’ai à te parler … Je m’exécutai comme sous l’envoûtement de son regard toujours bovin mais devenu entre-temps très sûr. -Justement ! Parlons-en… de ce qui m’arrivai

Le Cocu Magnifique 15/20

Le matin d’après à 6 heures, Saadia m’arracha à mon sommeil d’un jet d’eau qu’elle s’administra si bruyamment … j’ouvrai l’œil, les pupilles toutes dilatées et regardai la petite effrontée, nue à se savonner le corps, les gestes allusifs et le regard on ne peut plus bovin. Elle s’enroba dans le peignoir en soie de Aïcha et vint vers moi le pas félin. Elle me frôla la couenne du pan de son peignoir et me donna à voir son être jusqu’au dans sa plus simple expression, ainsi que j’avais lu dans les Possédés, « La bête sortit ses griffes ». le temps de m’asseoir, de me mettre les lunettes sur le nez pour réaliser ce qui m’arrivait, maladroitement car je n’ai pu m’y prendre avec qu’en deux temps, ayant de ces nez en bec d’aigle, que déjà Saadia eût la bonne idée de ramener vers elle son peignoir et de se couvrir tout à fait. Elle dut prendre ma maladresse probablement pour un niet sans équivoque ou alors s’était-elle mis dans la tête que ce fût là la façon qu’ont les intello pour dire non

Le Cocu Magnifique 14/20

A vrai dire, on eût pu rire de tout cela, mais pas Hamza. Il devait lui aussi avec survécu à pareille épreuve. « ne te confonds pas en explications, cela ne fera que raviver le sentiment de ton impuissance… des scènes de ménage comme celle là on en eût compté une myriade depuis le temps, qu’avant toute rupture, tout divorce il s’en passe de ces petites explications entre hommes et femmes, mais au lieu d’aller jusqu’au bout dans l’explication, on préfère y couper court chez l’avocat » Tiens ! » me dit-il en me fourrant le matelas entre les bras après l’avoir ramassé et épousseté un bon coup, ainsi qu’une maman avec le nounours de son enfant dont elle ne sait encore qu’une seule vérité : qu’il est incapable de se tenir tranquille seul, la nuit dans le noir. C’est ainsi que Hamza alla même jusqu’à me raccompagner à la salle de bain devenu mon lebenslief, mon espace vital. Il jeta le matelas par terre et fixant du regard les petits dessous de Saadia rangés soigneusement à côté de

Le Cocu Magnifique 13/20

Pourtant Aïcha n’a été qu’à mi-chemin de son Damas. Mes livres durent y passer par la suite, comme en supplément thérapeutique à mes mod con, et c’était encore plus dur à voir que pour le minibar dégueulant mes nourritures terrestres dans leur chute inexorable . D’abord les Beaux Livres « Le cercle du livre Précieux » autographiés Claude Tchou, mes Pléiades tout aussi imposants...avant d’en venir aux in-folios de tout genre et aux livres de poche. Elle en choisit de volumineux, partant du principe que plus c’était lourd et plus ce serait chaleureusement applaudi par les badauds. Malheureusement pour elle, son entreprise les laissa tous de marbre. Des livres ainsi jetés, haïs… la scène ne devait pas les indisposer outre mesure, du moment que c’était déjà inscrit dans leur ordre des choses, et même dans leur « doxa », une certaine idée du bonheur faite de la seule oralité. Il lui fallut en venir à l’épreuve du feu. Elle balança alors « Le Capital » en criant que la photo sur le livre,

Le Cocu Magnifique 12/2o

Venue son heure de vérité, Aicha piqua sa crise et se mit à jeter par la fenêtre tout ce qui lui était à portée de main, c'est-à-dire mes effets personnels, exclusivement. Tout y passa alors : mon ordinateur dont elle s’était débarrassée en deux temps, puis dans l’ordre, ma télé, ma machine à écrire, ma chaînette HiFi, mon radio-réveil, mon micro-onde … une nuée de badauds s’était rassemblée autour du spectacle, le regard vertical suivant la trajectoire que prenait mes gadgets depuis le troisième étage. Maintenant que j’y pense, je peux me rappeler le sourire de satisfaction qui se dessinait alors sur leurs lèvres à chaque chute, ce spectacle me hantait depuis et longtemps après, continuais-je à dire que c’était là juste un phénomène de persistance rétinienne, pour ne pas avoir à cogiter sur la symbolique de cette scène, à la scotomiser pour ainsi dire. Les seuls du reste à pâtir, c’étaient mon ami Hamza qui resta chevillé à mon bras en prévision d’une réaction imprévisible de ma p

Le Cocu Magnifique 11/20

Cela ne me faisait aucun effet, aucun mystère à entretenir là-dessus: si Hamza était là, sur les pas du Roi Salomon, c’est qu’il a dû passer par la fenêtre de la salle de bain, laissée ouverte entre-temps. Seule explication plausible à cette intrusion car je ne reconnaissais aucun don d’ubiquité à l’homme qui le ferait planter ainsi hic et nunc alors qu’il était supposé être à 240 Kms de là. Ma première réaction était d’aller lui chercher un verre de whisky, l’air désolé que ce fut seulement du spiritueux et non pas du sang de Jésus Chris, ainsi qu’il aimait à appeler lui aussi son Moghrabi. Quand j’étais revenu, je l’ai trouvé arborant lui aussi le soutien-gorge de Saadia sur la tête, sa main droite sur sa chose, prenant la même posture que moi tout à l’heure, ou celle de Napoléon deux siècles plutôt, ou encore celle du Roi Salomon voilà une éternité … -tu t’en souviens encore ?! Me lança-t-il, avec un sourire qui tranche avec celui des gens de khouribga, tant leur émail était

Le Cocu Magnifique 10/20

Plus extraordinaire encore que la visite du Roi Salomon, était à mes yeux celle qui lui succéda, par je ne sais quel hasard, de mon ami d’enfance, Hamza. Dans le temps on le prenait pour le roi incontesté de la bacchanale et avec un peu de culture l’aurait-on volontiers auréolé de noms émanant de légendes lointaines : Thor, Laukhard, Brandicus, Bacchus… Sauf qu’à Khouribga, sa ville natale où il avait établi sa légende de buveur de Moghrabi (1), les gens aimaient à voir dans la corde raide la symbolique de leur vie et la culture était pour eux un luxe dont il était de bon ton de se passer. Les hommes passaient leur journée dans l’antre de la terre, des galeries souterraines faites de phosphates, qu’une fois à la surface, leurs besognes finies, les uns allaient de pas ferme à la mosquée, remerciant Dieu de leur avoir épargné la vie, les autres au bar, d’un pas tout aussi ferme et de loin plus nombreux. A ce titre là, Hamza encore au banc de l’école aimait à dire, pensant à son père min

Le Cocu Magnifique 9/20

« Ce n’est qu’en blasphémant qu’on devient intéressant aux yeux de Dieu » L’idée m’arracha du sommeil, tant elle était forte de par sa seule formulation, et allai la noter sur mon calepin, comme à mon habitude ces moments-là, quand le Roi Salomon m’en empêcha. Oui ! Le Roi Salomon était bien avec moi, entré je ne savais comment dans la salle de bain où je devais dormir sur l’ex matelas de Saadia. Si j’avais pris pour tel l’homme, le patriarche devrais dire tant sa barbe m’en imposait, c’est que je ne pouvais pas le rater, moi qui avais passé le plus clair de ma vie à l’ombre du Midrach, l’étudiant sous toutes ses coutures, les plus énigmatiques comme les plus insolites. -N’écris rien ! me dit le Roi Salomon. Si toi qui en es l’auteur et c’est justement pour cela que je quitte mon caveau pour discuter avec toi. Laisse-moi d’abord te dire que la posture que tu avais prise tout à l’heure devant la glace n’était guère de Napoléon, mais la mienne propre, quand voilà je ne sais

Le Cocu Magnifique 8/20

Le temps de réaliser ce qui me prenait et déjà que Aïcha, flanquée de Saâdia, firent irruption dans la salle de bain. Elles savaient à quoi se tenir devant cette fantasmagorie, qui au fond ne leur apprenait absolument rien sur l’insuffisant vésical que j’étais, et surtout le parti, discursif, qu’il y avait à en tirer, les polémiques venantes, sur l’identité sexuelle des uns et des autres. - Curieux ! me lança Aïcha, Tu me rappelles la scène que je venais de décrire aujourd’hui même à mes étudiants en histoire des idées ! Tu sais la scène où Napoléon entrant en conquérant à l’Iéna, son célèbre chapeau sur la tête, le doigt sur la gâchette de son fusil et le pauvre Hegel qui ratiocinait depuis sa fenêtre sur la connotation historique à donner au spectacle qui s’offrait alors à lui et surtout sur les idées qui légitimeraient aux yeux du philosophe le doigt alors sur la gâchette… Elle le disait avec une satisfaction sur les lèvres telle que je dus, pour lui en ra

Le Cocu Magnifique 7/20

En ce temps-là, je souffrais d’incontinence urinaire et cela me faisait ponctuer pratiquement toutes mes activités par d’impérieuses visites, plus ou moins longues, aux chiottes. Par trois reprises, je me le rappelle encore, j’avais dû interrompre la soutenance de ma thèse ce qui faisait dire au jury ainsi qu’aux mauvaises langues, Aïcha en tête, que le thème (un truc sur Dieu) me foutait sacrément la trouille ! Chose encore plus paradoxale pour un athée. Plus tard, quand je lui avais expliqué la raison, toute technique, que j’avais à me comporter ainsi, elle dût en convenir et reconnaître au mot « chiottes » une deuxième acception : mon champ magnétique. Elle en prit note et dès lors, ne se formalisait plus pour suggérer aux gens qui cherchaient à me voir d’aller jeter un coup d’oeil au petit coin, ma bonne adresse. Sauf que cette soirée-là, quand je l’avais laissée plantée devant le triptyque familial, le verre de whisky à la main, je croyais qu’elle mettrait « ça » encore un

Le Cocu Magnifique 6/20

Je m’étais figé devant le triptyque un bon moment, me disant que c’était là la seule traduction possible qu’il devait y avoir à l’expression « couple évolutif » et allais même, dans ma petite satisfaction jusqu’à lui ajouter l’adjectif « plastique ». Je fus seulement intrigué par le fait que des trois portraits, le mien était en camaïeu, là où les deux autres étaient en couleurs et qui plus est, vives et chaudes. Comme je connaissais personnellement l’auteur, un ami peintre longtemps copiste dans un musée de Jérusalem, je dus revoir en ma faveur ce contraste : l’homme voulait m’auréoler de cette aura biblique, propre aux patriarches quand bien même je n’avais eu d’enfant… Ce devait être ma barbe, poivre et sel, qui dicta probablement au peintre ce choix somme toute achromatique. Aïcha, n’arrivant probablement pas à se former une idée de ce qu’était mon humeur du moment, vint me rejoindre, toute nue et toujours affligée du godemiché qu'elle dut remettre entre-temps. Elle se plan

Le Cocu Magnifique 5/20

Il me semble que, rétrospectivement, Aïcha et moi nous constituions, rien qu'à nous deux un phénomène de transition. Aussi faut-il dire qu’au départ, nous aussi ambitionnons de former un couple inédit, par trop moderne et qui ne ferait pas nombre avec les autres couples qui lui préexistaient, plutôt quelconques parce que charpentés à la marocaine. Une fois devant l’adoule, Aïcha s’en était sentie lésée et dûmes revoir tous les deux à la baisse notre ambition première. L’adoule, me demandait de fixer à Aïcha des arrhées et des arriérés, comme une vulgaire bête dont il nous faudrait fixer le prix entre maquignons. Trop ! C’est trop ! Disait Aïcha en claquant la porte … j’ai dû lui emboîter le pas mais pour une toute autre raison. L’Acte de Mariage ainsi finalisé rétrécirait, à mes yeux, notre champ d’action en tant que mari et femme. La première restriction était, entre autres et quoique d’ordre technique, l’impossibilité d’en venir au Karrek Lato. Une technique sexuelle affectionnée

Le Cocu Magnifique 4/20

Maintenant que j’y pense et avec le recul, force m’est de convenir au fait que c’était là une réaction plutôt impersonnelle, inauthentique et quelque peu romanesque pour l’homme que je croyais être alors : un homme du réel marocain. A vrai dire, je n’avais fait que reproduire, sans m’en rendre compte, un comportement qui tranchait avec le mien propre, pour lequel j'avais été conditionné depuis ma prime enfance et qui en principe, devait être autrement plus brutal, plus primaire à voir ainsi ma femme dans une posture ouvertement pédérastique. Le fait est que j’étais, longtemps après, la proie au remord comme si c’était moi l’auteur de cet écart de conduite et mon corps, trop hâve alors pour faire les frais de cette expérience ancillaire, maigrissait à vue d’œil et devenait pour ainsi dire comme une peau de chagrin. Car quoi de plus confondant pour un homme que de surprendre sa bourgeoise, non pas dans les bras d’un tiers, mais affligée d’un godemiché avec sa bonne … je commençais a

Le Cocu Magnifique 3/20

Ainsi que je l’ai su par la suite, Zita n’était rien d’autre que la Sainte Patronne des bonnes et des domestiques. Saâdia ainsi rebaptisée à la roumi, probablement un 27 avril du calendrier grégorien, la présomption qui pesait alors sur Aïcha n’en devenait que plus lourde et même "peu catholique" pour une bourgeoise existentialiste. Je me disais qu’il me fallait juste aller jeter un coup d’œil dans la salle de bain où la bonne avait l’habitude de passer ses nuits pour confondre cet excès d’humanisme, mettre à faux cette déclaration d’amour et d’amitié …j’allais donc y jeter un coup d’œil quand je m’aperçus que la chambre des invités était encore allumée à cette heure tardive. J’ouvrai donc la porte et les mains m’en tombèrent, pris au dépourvu par le spectacle : la bourgeoise et la bonne, les deux à quatre pattes, acoquinées l’une à l’autre, un peu à la manière des coccinelles ! A ma vue, elles se désencastrèrent l’une de l’autre et pour les rassurer, je m’étais comporté

Le Cocu Magnifique 2/20

(pour lire Le Cocu Magnifique 1/20) A vrai dire, je ne m’étais attardé sur le cas Camus que pour le réactiver plus tard, au cas où nous aurions à nous expliquer, Aïcha et moi. Elle ne pouvait rester insensible à cet argument massue, elle qui se flattait non pas d’être une fée de maison –et peut-on seulement y postuler quand on a à sa disposition une bonne à tout faire- mais sa coquetterie de femme était curieusement sa thèse de troisième cycle : Camus, Le Premier Homme , une thèse plutôt quelconque, qui allait passer inaperçue, n’étaient-ce deux détails que le hasard lui avait mis sous la plume : que certains intellectuels snobaient l’auteur de l’Etranger parce qu’il leur était parfaitement intelligible contrairement à son rival, Sartre, dont la pensée prêtait le flanc au flou et qui, deuxième détail, ne dût décliner le prix Nobel que par dépit, parce qu’Albert Camus en avait été gratifié le premier … Comment eût-on pu discerner d

Le Cocu Magnifique 1/20

Feuilleton garamudanien -Mais elle me trompe ! L’idée m’était tombée dessus comme d'un couperet, en regardant au fond du bidet : Des traces d’étrons y sont depuis voilà une semaine sans que Aïcha, ma femme, n’en tienne rigueur à Saâdia, la bonne. Le fait est que Aicha est très à cheval sur la propreté et avait déjà renvoyé par le passé une dizaine de bonnes parce qu’elles n’assuraient pas de ce côté-la justement, qu’elle ne récuraient pas assez le fond du bidet. Et puis si c’étaient des crottes de chiens, je les aurais prises pour un porte-bonheur ainsi qu’on interprète la chose chez les Chinois et j’en étais venu, sur le coup, à regretter le fait de n’en avoir aucun chez moi, de ces chiens d’agrément…j’aurais alors pris la chose pour un bon augure et aurais rejoint Aïcha au lit, le pas posé et la conscience tranquille … Hélas, ce n’était pas le cas et j’en prenais de l’humeur, à l’idée de les savoir miens, ces étrons donc. Qu’Aïcha fasse ainsi montre d’une telle déb

j'ai soif !

Curieusement c’est à nous autres ivrognes que Sidi Ramdam décoche en premier son signe avant-coureur pour nous annoncer sa venue, nous dire qu’il sera bientôt parmi nous. Il ne pointe pas son croissant à l’empyrée comme pour le commun des croyants, il ne le glisse pas, non plus, entre deux nuages pour voir qui de ses zélateurs saura le déceler avant les autres. Il lui suffit juste de dépêcher sur les lieux quelques éléments de la police pour signifier au gérant du bar que l’heure est à la fermeture et que les usagers feraient mieux de se mettre en condition pour le régime sec, les trente-six jours à venir. Notre ramdamisation commence tout le temps quatre jours avant les autres et fait de la prolongation deux jours après la fête… On se savait tous condamnés à ce régime-la, fait d’un tantinet d’abstinence et de moult hypocrisies. De même qu’on ne saurait faire boire un âne qui n’a soif, on ne saurait non plus faire d’un âne atteint de potomanie du jour au lendemain un abstèm

du Beau

90,6 % des gens qui ont participé au « sondage » organisé par la chaîne arabe Al arabiya disaient être contre l’idée de l’organisation d’un Miss Beauté Monde Arabe. Les neuf dixièmes motivaient ainsi leur choix : inhibition religieuse . Curieusement, le même tant pour cent se dit être, mais en Egypte cette fois-ci et lors d’un micro-trottoir , contre l’idée d’envoyer son garçon à une école de danse où l’on ferait de lui un petit rat de l’Opéra. Raison invoquée : cela ne sied pas à un futur homme… Toujours en Egypte, l’on raconte que le Roi Ismael Pacha, accompagnait ses hôtes jusqu’à l’entrée du Musée et n’osait jamais y entrer, laissant toujours au conservateur du Musée le soin de faire visiter le coin aux hôtes, se contentant du pied de grue à l’entrée, … Cette attitude, et bien d’autres encore, faisait dire en leur temps, aux archéologues que « Egyptology is not for Egyptians». Il est évident que la religion, à elle seule, n’explique pas cette réticence à l’art, au Beau … Pe