Amours félines

If you hold a cat by the tail you learn things you cannot learn any other way. Mark twain


-De ma vie de pute, je n’ai vue de femelle aussi catin, aussi dépravée que toi ! Mimi …


C'est Mme S*** qui parla ainsi, une prostituée notoire, un brin de jalousie dans la voix, à l’adresse d’une petite chatte qui venait juste de se faire sabler apparemment pour la première fois dans sa vie, une débutante donc, une pucelle, une heure durant par les chats du secteur, tous les chats du secteur je veux dire, Griba en tête. A vrai dire, pour mon grand désespoir, je n’ai pu voir Mimi à l’œuvre dès le début de son exploit - c’en est vraiment un, à en croire les spécialistes alors présents dont, entre autres, Mme S***. Et je regrette car c’aurait pu m’intéresser au premier degré, moi qui n’ai de ma vie vu d’amours félines, même pas à la télé, dans un documentaire animalier par exemple. Du sexe, je ne saurais m’auréoler d’aucune autorité outre que celle que me dicte ma pratique personnelle, aussi modeste soit-elle et les quelques conseils prodigués par Cheikh el Kardaoui, l’autre dimanche sur Al Jazeera. Dieu serait donc allé jusqu’au bout dans sa volonté : m’épargner cette expérience mais, en même temps, me faire vivre quotidiennement celle de Bouddha, climatiseur en plus, depuis la voiture, un taxi, sur le chemin de mon travail, des gens dormant à même le sol, des enfants délaissés, la faim, la misère, la dèche... Mais comment se fait-il que de ces scènes, je n’ai rien vu jusque-là et quand Il m’en donne à voir, dans Son immense mansuétude, c’est une monstruosité, un cas d’espèce. Mimi la chatonne.




Entre-temps, Mimi est devenue une curiosité locale. La star du bar. Sa vedette attitrée. On y va seul ou en groupe, motorisé ou en pédibus, pour voir se re-produire la chose, le miracle, l’oracle miaulant. Un peu comme à Bouya Ommar, cependant le kil en bâton de pèlerin. Le spectacle tient tant de la gageure, vaut le détour et toutes les étrennes du monde. En cette fin d’année. De peu, Mme. S*** allait lui dire, tel le Cardinal Hippolyte d’Este à l’Arioste, son protégé disait-on : « Mais Diable ! où est-ce que vous avez pris toutes ces folâtreries ! ». La chatonne était bel est bien la protégée de madame. Malheureusement pour elle, madame n’était pas un de ces montres sacrés pour l’immortaliser en un trait, une formule, quoi l’éternité ! la postérité… juste des volutes, quelques langues déliées, ivrognes et le téléphone arabe pour donner à Mimi droit à ses dix minutes de célébrité. Il en avait été ainsi, le temps d’aimer. Chaleur que tout cela !

La tantième bière à la main, je décela dans le spectacle gracieusement offert par Mimi et ses complices, quelque chose qui relevait plus de L’Histoire des idées, dans ce qu’il a de lacunaire, d’impénétrable qu’une simple mécanique du désir, actionnée en l’occasion par, dirait Musil, « Le lever, le coucher du soleil et de la lune, les phases de la lune, de Vénus et de l’anneau de Saturne, ainsi que nombre d’autres phénomènes importants, étaient conformes aux prédictions qu’en avaient faites les annuaires astronomiques. ». C’était ça aussi, les appréciations des témoins oculaires, quoique pauvrement formulées. Si tel était le comportement de Mimi, disaient-ils, c’était dû au fait que nous étions en hiver et qu’à l’hiver, l’instinct de conservation est particulièrement à l’œuvre, chez ce genre de félins …

« Ah ! c’est la saison des amours… » Disaient-ils tous, unanimement, mais une fois attablés ils ne pouvaient s’empêcher de commenter le spectacle d’après leur référentiel respectif, leur grille fondamentale : accabler la chatonne en chaleur de tous les maux. Le scandale c’était bien évidemment Mimi. L’opprobre aussi. Sans ses travers, ses mœurs permissives, les félins du secteur seraient tous tranquilles à l’heure qu’il était, chacun dans son coin à se prélasser, à se pourlécher la robe. Mais que voulez-vous ! il n’y a pas de fumée sans feu, et dans ce cas bien précis et pour autant que l’on se fie à la morale, à Dieu, aux apôtres, seule Mimi était à condamner ; dès lors Mimi ne pouvait être qu’une petite salope dans son genre. Si elle était de bonne race, Mimi aurait sorti ses greffes, lacéré le joli minois de Griba et de tous les autres, au lieu de se laisser assaillir, en faisant « pattes de velours », …. Les chats qui s’étaient acoquinés avec elle, à tour de rôle, ne faisaient eux, aux yeux du monde alors présent dans le bar que répondre à des stimuli, aux avances de Mimi donc et qu’à ce seul titre, ils avaient le droit à des circonstances atténuantes, étant abusés et pouvaient-ils seulement faire autrement ! Bien évidemment …Zdag adag !

Un moment, un ivrogne se leva, porta son regard sur le portrait du monarque accroché au mur et, en vidant les lieux, nous lança : il fallait s’y attendre ! à la dissolution des moeurs, depuis le Nouveau Code de la Famille… je sus alors que je venais d’assister à un cours d’histoire qui ne disait pas son nom, prodigué par Mimi la chatonne et qui plus est par l’exemple, à l’attention de tous les présents. Qu’en somme, de sa vie de pute, Mme S*** n’a vu femelle aussi catin, aussi dépravée qu’elle, Mimi …

Commentaires

Anonyme a dit…
Happy new year;)
Najlae a dit…
sekheftina b l'attente :)
The World acording to Gar seems to be a huge jungle..
Welcome back Gar
GarAmud a dit…
Bonjour,

Foulla,
merci pour la visite et pour le commentaire... (7aigouza indeed! )

Najlae,
just a little world in a ...nutshell
choukrane!
mouna a dit…
ehem .. salut !
Eh bien pour une première visite ..

"De ma vie de pute, je n’ai vue de femelle aussi catin, aussi dépravée que toi ! Mimi …"
ça résume TOUT !
non je ne crois pas ?!!

Aussi catin .. aussi dépravée soit elle ..
t'as réussi à .. nous la faire découvrir sous un autre angle ..
je la trouve presque sympathique .. fort interessante ...
c'est un personnage atypique .. c'est le moins qu'on puisse dire !

il se cache une autre femme derrière le portrait que t'as décrit .. me trompes-je ?!!

t'es fort !

Mes amitiés
Anonyme a dit…
Je l'avais toujours subodoré, les moeurs félines ont une dimension philosophique et thérapeutique pour les sages qui savent les contempler. Et la fréquentation des catins permet de relativiser la tyrannie et l'absurdité de la morale pudibonde de nos prêcheurs de l'enfer. Que la volupté de Bastet vous pénètre et l'humilité des péripatéticiennes vous élève vers les sphères de la félicité.

Joli coup de griffe, Garamouch!
Anonyme a dit…
"On parle toujours du boulevard des Filles du Calvaire, mais jamais du calvaire des filles du boulevard."
Rochefort (J'ai pioché dans mon livre de proverbes)
...Garamouch! hahaha! Je la retiendrai celle-là. (Moi je dirais gartaghoussa n'lemlih)
Loula la nomade a dit…
NajNaj, you are right, reminds me of a song by Jethro Tull:
Let’s bungle in the jungle
well, that’s all right by me.
I’m a tiger when I want love,
But I’m a snake if we disagree.

The rivers are full of crocodile nasties
And he who made kittens put snakes in the grass.
He’s a lover of life but a player of pawns
Yes, the king on his sunset lies waiting for dawn
To light up his jungle
As play is resumed.
The monkeys seem willing to strike up the tune.
Le Scribe, you did it again. Always a pleasure to read you, tu nous tritures tjs les méninges.
Selma a dit…
ça me rappelle "nana" de Zola!
énormément de plaisir à te lire,gar
laseine a dit…
Comme à ton habitude Garamoch, Gartaghoussa n'lemlih, du beau...
Regard perçant, pertinent et tendre sur ces gens de peu et sur ces lieux infréquentables qui leur procure aussitôt un visage, un nom, une odeur, mille et une images de couleurs, de vents, de poussières et d'herbes hautes, de brises de bruissements et de figuiers protecteurs.
Tu cultives une forme que jamais de ma pute de vie de lecteur, je n’ai rencontrée une aussi catin, aussi dépravée qui me transporte dans des lieux à peine pressentis, des clairières urbaines qui persistent dans mon souvenir, longtemps après la lecture, tels de merveilleux ailleurs

Merci Gar
Anonyme a dit…
Une catin? Une dépravée?! Tu plaisante Garminouch ! Personnellement je ne vois en cette vertueuse chatte qu’un modèle de dévouement et d’abnégation ! Ruiner ses sept vies de féline pour la noble cause de conservation de la race c’est digne de mère Mimirisa! Aller jusqu’au point de forniquer avec griba le chat sans queue, ça c’est de la motivation des troupes ! Le jour ou le code de la famille donnera à l’homme khal errass son droit de trouver chaussure à sa queue en dépit de sa pauvreté, son impuissance, sa laideur,son haleine… n’est pas encore venu !
Loula la nomade a dit…
Garlelou:-)
Une grande pensée en cette soirée qui s'annonce pas mal zouin zouin.
Merci pour tout et une tonne de bons voeux.
Mwah kamême!
Anonyme a dit…
j'ai relu du Garamud alors ke ça faisait bien longtemps je l'avoue..
je retrouve le même Gar que j'avais laissé,
percutant
réfléchi
appliqué
la fénéante que je suis a été ravie de te relire à nv.
Mebrouk le3wacher! ;)
Anonyme a dit…
Santé, énergie, beaucoup d'amour. Si avec ça 2006 trouve de la place à un peu de flouss, c'est pas moi qui lui dirai non.
Très bonne année.
Anonyme a dit…
Encore un fragment de vie lord gar ! Joliment raconté !
Il n’y a pas à dire tes personnages sont attachants et uniques.
Dis tu veux pas vendre ton fond de commerce (le kiosque s’entend) :)

Bonne année 2006. Une santé de fer.
Anonyme a dit…
Lire Garamud est un plaisir qui nous fait défaut ces derniers temps, what's up man?
Anonyme a dit…
Dayzout
fais comme et plonge-toi dans cet océan de trésors:
http://blogmir.joeuser.com/index.asp?c=1
Un vrai régal!
Anonyme a dit…
Je l’ai déjà fait il y a un an. Mais sans contredit, c’est une bonne idée de se replonger dans ces posts ; c’est un trésor, tu l’as dit.
Anonyme a dit…
Merci Larbi pour ce lien délicieux.
Anonyme a dit…
Si Gar, je fais un saut par ton délicieux chez toi...

Bonne année, meilleurs voeux...
Najlae a dit…
wa ha l3ar a ssi gar

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