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Affichage des articles du juillet, 2005

Les Cadavres exquis (1/3)

Si le Royaume des Sens n’a pas encore son Académie de l’histoire c’est qu’il doit y avoir quelques cadavres dans le placard. Loin de moi l’idée de réveiller les vieux démons qui somnolent en nous, ceux dont on ne doit jamais parler pour, dit-on, préserver l’unité nationale ou pire encore, mais on ne le dit jamais, pour nous endormir sur nos lauriers : la Guerre des Trois Rois, la conquête des Ibères, … en même temps je ne peux que faire cette remarque que d’aucuns trouveront surréaliste: qu’il est des cadavres exquis et qu’on gagnera peut-être à les aérer au grand jour pour comprendre ce qui nous arrive présentement et que les grands annalistes de notre petite morale ont tendance à y voir une grande première, quelque chose de nouveau, du jamais vu alors que l’événement en soi(et appelons ainsi tout ce qui fait la une de nos canards ou agrémente leurs rubriques des chiens écrasés) n’en est vraiment pas un, pour autant qu’on relise notre histoire, ancienne et moderne. Et

LA THERAPEUTE

Lalla Chafia J’aime à picoler chez elle chaque fois que je déprime, un verre à la main donc, au fond de la cuisine du bar, à faire un "petit bruit autour de son âme". J’y trouvais toujours le même plaisir, jamais déçu, comme s’il y allait d’un artiste dans son atelier. Aussi appréciais-je entre autres la qualité de son parler, franc, et surtout la façon qu’elle a à me jeter dans un geste presque maternel, comme à un de ses trois chats, une bribe de poisson par-ci, une escalope par-là ou alors un amuse-gueule, selon l’inspiration du moment… Tiens ! c’est pour toi, Garamud... Tant d’attentions finirent donc par me faire regretter le fait que Dame Nature ne m’ait pas gâté moi aussi d'un de ces appendices félins, autrement je l’aurai remué en trompette et en signe de gratitude, plus pour le geste que pour la barbaque. Cela va de soi… Miaou! Mais qu’importe ! C’est Griba son préféré, un chat sans queue, justement … Hier

Arguer à la marocaine

ça y est ! il a dit : W'Allah ! Je puis les observer un moment, accoudé à mon comptoir donc : Trois enfant dont un, Jawad, est de ceux dont on dit qu'ils sont des enfants de la rue . Il est cireur de son état. Les deux autres sont tout le contraire : bien habillés, bien nourris et si l’on juge d’après leur accent, ils ne peuvent qu’être de petits RME … Jawad s’égosillait à convaincre les deux autres qu’il a lui aussi une famille, un papa donc et une maman et même une petite sœur, Naïma. Ses deux interlocuteurs mettaient systématiquement en doute tout ce qu’il leur débitait et, ma foi, ils ont raison. Jawad est fils unique d’une femme emprisonnée pour vagabondage spécial. Une Prostituée comme tant d’autres au Maroc, une légion, une myriade, … Jawad à court d’argument finit quand même par leur cracher à la figure son ultime argutie : -w’Allah illa 3andi darna ! ( je vous jure que j’ai une famille) Et le plus sympa de ses deux vis-à-vis, cria alors à

de L' H... dans l'air

Ma convive, une étrangère fraîchement installée au Royaume des sens, me disait l’autre jour qu’elle sentait de l’hypocrisie dans l’air mais, pour son malheur, elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. Elle la sentait dans tout ce qu’elle entreprenait, dans les propos qu’on lui tenait au travail, au hammam, au marché… pour son désarroi elle n’entendait mot à la langue du terroir, autrement elle l’aurait cultivé, elle aussi, cet art de l’hypocrisie et du moroccan correctness qui font dire aux gens le contraire de ce qu’ils pensent, de ce qu’ils croient juste pour ne pas indisposer leur vis-à-vis, jusqu’à l’épargner dans son erreur, voire en être soi-même lésé. Guère par amour pour son prochain, juste pour qu’on dise, une fois les talons retournés, qu’on est quelqu’un de bien, de bonne famille, qu’on a de la naissance, de l’éducation … Les bien-pensants de la caverne. Qu’à la fin, je n’ai pu m’épargner cet aparté : Vous pouvez avoir pour vous le meilleur de notre sol et de

La Règle de Trois n'aura pas lieu

Qui a peur de Charles Martel ? Il était venu me voir après une parenthèse de 15 ans pour, me disait-il, honorer la reconnaissance du ventre et surtout pour savoir ce qu’il était advenu de sa prophétie : Qu’un jour, GarAmud finira ses jours ou fou à lier, ou par un suicide à la seppuku ou alors en prison. Plus intéressent que la teneur de la prophétie, le ton qu’il y avait mis, sans sourciller, comme pour annoncer son ultime pétition de foi. Le connaissant bien, je ne pouvais que l’entendre de bonne oreille. Il faut dire aussi qu’en ces temps-là, nous étions tous des illuminés, tout le monde y allait de la sienne et les plus humbles d’entre nous, dont Saïd, l’homme en question, en proférait mais de personnelles, n’engageant ni l’avenir de la nation, ni celui de l’humanité. Ben Laden était encore un simple entrepreneur qui passait ses vacances en Espagne et qui, si le système saoudite était démocratique, serait aujourd’hui un simple opposant politi

Etre ou ne pas Etre... Ordurier (2)

Ainsi je m’étais dessillé les yeux, tel Saint Paul recouvrant la vue, sur la grande chose de la vie qui, depuis, faisait figure de vérité première, à savoir que dans la vie on ne saurait que baiser ou être baisé. Des deux choses, l’une. Les écailles me tombèrent alors des yeux et c’était aux murs du village d’en pâtir les premiers…, tout y passa par la suite, jusqu’aux livres scolaires dont je me plaisais à illustrer les illustrations, à les biaiser en fonction de ma nouvelle vision du monde. Ainsi à un fellah qui labourait son champ derrière un bœuf, m’étais-je suffit d’un trait phallique, acoquinant le brave homme à sa brave bête pour donner à cette image initialement didactique une posture ouvertement zoophilique ; dès lors toute scène de genre était, à mes yeux, potentiellement porteuse de connotations sexuelles, mêmes les plus pieuses d'entre elles, les icônes et les images d’Epinal étaient passibles de sexualisation par le jeu de mes traits… un Freud ou un Ferenczi y

ALI BABA ET LES 40 (ooo ooo) VOLEURS

Sur la terrasse d’un café, deux types, Ménahem et Isaac, buvaient de l’eau-de-vie dans de petits verres à …thé. La scène pour fantasmagorique qu’elle est n’en demeurait pas moins authentique pour avoir été préfigurée des siècles avant, quand les maîtres des lieux étaient tour à tour romains, vandales, wisigoths… on le faisait aussi dans le temps mais dans des coupes officiellement faites pour boire à la santé de Bacchus ou celle de Brandicus ; la scène a survécu donc aux turbulences de l’histoire , à ses coups de théâtre ainsi qu’à ses cycles… « Mahfoud ! Encore un verre de thé STP! …pour notre ami Isaac» criait l’un deux, probablement le proprio, chaque fois qu’il voulait offrir un verre à son hôte ainsi que pour son plaisir propre. Mahfoud, le garçon, surgit tel un génie, avec à la main un plateau et dessus une petite théière d’une silhouette trop arrondie pour être marocaine. Le temps de les servir et il disparut, …. Il faut dire que les deux hommes étaient de vieille

FAIT COMME UN RAT

Ceux qui m’honorent de leur temps en me lisant me savent empêtré dans une sorte de logique, dans un schéma que je ne saurais ni vous tracer par trop implexe, ni vous décrire non plus, mon vocabulaire disponible n’étant pas à ce point riche est nuancé pour le dire… En gros, chaque fois que je vais aux chiottes, je trouve quelqu’un dedans, bien avant moi, tout à lui, à se prouver le caractère empiriquement absurde de la vie : autant tu manges, autant tu chies. Normal ! me diriez-vous, la chose participe du principe du premier venu, premier servi et c’est cela même l’égalité des chances, essence s’il en est de la démocratie et des droits de l’homme. Alors, que je vous entende me dire que si un jour la démocratie doit régner sur ce bled qui est le tien, c'est-à-dire le mien, que son ancrage se fasse d’abord dans ses chiottes pour se propager ensuite sur le restant du sol marocain où les enfants doivent faire des lieues à pieds pour accéder au banc d’une école, faisant d’eux, pre

Mais je rêve !

Plus rien de pourri au royaume du Danemark ! Je n’arrive pas à me faire à cette nouvelle réalité qui est devenue mienne depuis seulement ce matin : mes clients, tous mes clients je veux dire, ne manquent plus à cet "art de vivre" qui vous intime à dire « merci » à quiconque vous rend un service ou une prestation quelconque même si c’est payant et que vous y êtes, tout compte fait, pour vos propres frais. Ce devait être un décret providentiel signé pendant mon sommeil par la plus haute autorité du cosmos, un décret donc qui les oblige à décocher pour mon bon plaisir de ces "choukrane", de ces "merci" et de ces autres "ir7am bouk" ; sinon par quoi expliquer ce fait nouveau, ce fait contre-nature. Je regrette seulement de ne pas avoir noté combien de fois m’a-t-on dit "merci" pour leur avoir fourni une enveloppe kraft à 25 centimes ou pour une photocopie tout aussi à 25 centimes. Mais je rêve ! Plus donc ces airs d