ALI BABA ET LES 40 (ooo ooo) VOLEURS
Sur la terrasse d’un café, deux types, Ménahem et Isaac, buvaient de l’eau-de-vie dans de petits verres à …thé. La scène pour fantasmagorique qu’elle est n’en demeurait pas moins authentique pour avoir été préfigurée des siècles avant, quand les maîtres des lieux étaient tour à tour romains, vandales, wisigoths… on le faisait aussi dans le temps mais dans des coupes officiellement faites pour boire à la santé de Bacchus ou celle de Brandicus ; la scène a survécu donc aux turbulences de l’histoire , à ses coups de théâtre ainsi qu’à ses cycles…
« Mahfoud ! Encore un verre de thé STP! …pour notre ami Isaac» criait l’un deux, probablement le proprio, chaque fois qu’il voulait offrir un verre à son hôte ainsi que pour son plaisir propre. Mahfoud, le garçon, surgit tel un génie, avec à la main un plateau et dessus une petite théière d’une silhouette trop arrondie pour être marocaine. Le temps de les servir et il disparut, …. Il faut dire que les deux hommes étaient de vieilles connaissances, se voyaient presque tous les jours mais ils se traitaient comme s’ils venaient juste de se connaître l’un l’autre, tant de petites attentions dans les manières et d’égards dans les propos.
Ainsi y allait-il chaque jour, de l’eau-de-vie dans des verres à thé sur une terrasse, à voir défiler le monde sur l’un des grands boulevards de la ville. Un instant, un vagabond connu des deux hommes se planta devant eux et demanda à être servi lui aussi de ce « thé », intrigué certainement par la façon qu’ils avaient pour boire : du thé bu à l’affilée, à la régalade donc ! dans un pays où pratiquement tout le monde y met du temps, déguste, sirote … le spectacle avait de quoi mettre la puce à l’oreille à plus d’un.
-on aimerait bien te faire goûter de notre thé, mais voilà : tu es abstème et il serait impie de ta part d’en boire ! dit Isaac au vagabond
-Abstème oui mais le thé ce n’est ni du vin ni de la bière… c’est une boisson licite ! c’est même l’oriflamme du pays ! surtout avec de la menthe ...
- je sais mais …pas ce thé-là !
-t’en fais pas pour ma conscience ! c’est moi qui en répondrai devant Allah, pas toi …
A ce moment, Mahfoud Sortit et se mit à chasser le vagabond, à le tenir à une distance qu’il jugeait sans risque pour les deux hommes… à cette distance, les deux hommes continuaient cependant à échanger des propos plus ou moins amènes.
-Tu sais Isaac ? Mbarek ton ancien garçon … dit le vagabond plus pour en découdre avec le garçon que pour alimenter la discussion avec Isaac.
-le frère de Mahfoud ? … qu’est-ce qu’il a ?
-et bien il a fait de la tune sur ton dos, en te volant … maintenant, dit-on, il tient un commerce à Casablanca.
-je croyais que s’il vendait des pépites et des cacahuètes c’est en grande partie parce qu’il est issu de la ville de Tata !
-Mon œil ! Il a acheté une maison et a une nouvelle voiture. Les pépites et les cacahuètes qu’il vendait c’est juste pour blanchir l’argent qu’il t’a volé ! de la poudre aux yeux ! …
-Ecoute-moi mon fils ! je serais autrement plus amer si tu m’avais dit que Mbarek se trouve sur la pavé, pauvre, à l’heure qu’il est, après tant d’années passées à mon service … voleur ? cela ne m’attriste pas. Nous le sommes tous ici-bas et, dans ce bled, la seule personne qui ne l’est pas s’appelle …Ali Baba
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