Le Chat Noir 5

Pourtant, je ne m’étais jamais dit que le voisin d’au-dessus était mon ennemi, ou qu’il le serait un de ces jours, quand bien même tout, dans sa façon d’être, m’y poussait. Et d’abord cette façon qu’il avait en propre, à afficher sa foi dans les crasseux couloirs de l’immeuble et par extension sur la place publique, toute aussi crasseuse. J’avais toujours gardé avec lui un rapport pour ainsi dire strictement juridique, ne me permettant aucune liberté avec lui, une conduite qu’il me rendait de son côté si bien que, las de devoir tout le temps nourrir le même sentiment l’un à l’égard de l’autre, nous en étions venus tous les deux à nous ignorer souverainement. Quand nous nous étions croisés le regard la première fois au couloir, je m’en souviens encore, il y avait quelque chose de physique dans l’air qui nous faisait tenir sur nos réserves. Ce devaient être, d’un côté mes effluves bacchanales qui me rendirent ainsi moralement insolvable aux yeux de l’homme et de l’autre côté, je dois dire que moi aussi je n’avais pas particulièrement apprécié son odeur à lui, exagérément ambrée au point de me faire suffoquer le long du couloir. Le jour d’après, dans le couloir encore une fois, je lui tendis la main pour lui signifier que je n’étais pas l’homme qu’il me croyait être. Mollement, l’homme me tendit la sienne et dut y aller avec seulement deux doigts, comme si j’étais impur. Si seulement le couloir avait été plus large ! M’étais-je dit juste après, je me serais volontiers épargné cette humiliation en rasant le mur, lui laissant le couloir libre. En abordant l’escalier, Je me ressaisis et vis dans cette attitude quelque chose de couillon, un bras de fer qui, ainsi lâchement perdu, me déshonorait et dès lors fis le vœu d’imprégner le couloir de mon odeur à moi et, à l’occasion, de mes détritus aussi. La première chose que j’avais faite à ce dessein était de retirer mon paillasson qui rythmait jusque-là si bien le couloir …

Bien évidemment, c’était dans l’air ! Notre animosité. Pourtant cela, ne saurait se justifier à lui seul, du moins pas aux yeux du petit félin qui voulait coûte que coûte en savoir plus et, à l’occasion, me somma de lui donner une seule raison qui ferait que ce sentiment, jusque-là physique, devienne du coup cartésien, intelligible. il me regarda silencieusement puis me dit : faudra vous expliquer tous deux à ce sujet. Je vais provoquer cette rencontre et adviendra que pourra !

-j’y tiens vraiment pas ! et d’ailleurs je ne vois pas comment. Cela fait maintenant des années que nous ne nous sentons pas, tous les deux … laisse tomber !

-Si ! Je vais arranger ça.

-comment donc ?

-tu verras. Fais-moi confiance !

Le petit félin me présenta alors son arrière-train et me pria d’en prendre note.

C’était tout ce qu’il me demandait, au fait : en prendre note. Pour lui être agréable j’étais même jusqu’à en prendre note, noir sur blanc, sur mon calepin, resté ouvert : L’arrière-train d’un chat noir.

Le petit félin disparut du coup. Me laissant seul, le vague à l’âme et les yeux rivés sur la dernière note de mon calepin : L’arrière-train d’un chat noir. Je dus y ajouter cela aussi : A quoi tout cela pourrait-il bien rimer ?

A suivre

Commentaires

Anonyme a dit…
j'attends avec impatience de connaitre la ruse del negro gato pour faire mieux se sentir les deux voisins d'étage . Sur son cul ? Quelle bizarrerie quand même ... je note également sur mon calepin "pourquoi l'arrière-train ?"
laseine a dit…
A quoi tout cela pourrait-il bien rimer ?
Loula la nomade a dit…
Bonsoir Moul Leqlem,

Petite question, pourquoi essayons-nous tt le temps? Les adeptes de Bacchus seraient-ils plus aimables que ceux de l'encens ambré?
Bonne nuit/bonjour

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