kif kif & fik fik

Cours de dialectal marocain

Venue leur énième nuit, el hadja Chahrazade passée alors maîtresse dans l’art de la rallonge et du bagout s’aperçut subitement que son sort allait être bientôt scellé et qu’après tant d’histoires Chahrayar ne manquerait pas de signer son arrêt de mort. Pourtant, elle ne déméritait pas pour lui trouver chaque nuit une histoire encore plus agréable à écouter que celle de la nuit d’avant. Rien n’y faisait, el hadj Chahrayar ne disait mot, se suffisant d’un mutisme qui en temps normal précédait ses légendaires décisions qui faisait couper les têtes aux tanagras et aux pin-up d’antan. Pour une fois, El hadja Chahrazade se sentit à court de mots, s’en remit alors à son instinct de femme et rangea de côté sa rhétorique et ses belles figures de styles pour s’essayer à autre chose.

-Sidi el Hadj, l’aborde-t-elle enfin, tu sais quel est le sobriquet qu’on m’a collé dans Votre auguste entourage ?

-…

- Et bien ! on ne m’appelle plus que par « la Pucelle de Taj Mahal » ! Personnellement je n’en ai que cure mais à travers ce sobriquet l’honneur de votre Honneur s’en trouve impliqué. Cela veut dire, dans la bouche de Votre Harem que vous édictez vos arrêts de mort pour cacher une certaine impuissance que la pudeur m’interdit de nommer en Votre présence…

El hadj Chahrayar fit un geste brusque et se mit à se déshabiller pour la première fois depuis voilà mille et une nuits, sans crier gare comme pour se dédouaner de ces nuits passées à rêver bêtement de ce qui pourrait bien arriver aux fantoches.

-A nous deux ! dit-il tout en ramenant el Hadja Chahrayar vers lui. Il la culbuta et se mit à faire frémir les reins à la reine. Indéfiniment … jusqu’à ce que celle-ci, lasse -de plaisir, cela va de soit, lui proposa :

-et si on change un petit peu?

-je ne vois pas ce qu’il y a à changer à l’affaire! C’est parfait !

-voyons ! lui dit-elle, je peux monter sur vous et chevaucher votre auguste corps…

-que tu me chevauches ou que je te chevauche c’est du pareil au même ! c’est kif kif ou si tu préfère : fik fik !

Le lendemain, el hadj et el hadja étaient allés au souk. Au moment de conclure l’achat d’un cadeau pour el hadja en reconnaissance des bons et loyaux services rendus la veille, le hadj chahrayar dit à el hadja Chahrazade

-alors je paye cash ou par chèque ?

- du moment que c’est toi qui paye c’est… fik fik !!!

Ils rirent une deuxième fois et échangèrent un clin d’œil complice. C’était en quelque sorte la réponse de la bergère au berger. Le marchand pipa le mot et le rendit célèbre, le téléphone arabe oblige

Fik fik : mot à mot : en toi, en toi …– expression marocaine qui diffère de l’autre expression « kif kif » en ce que la première est dite quand on a à subir le choix des autres, le plus souvent désagréable alors que « kif kif » est dépourvue de cette nuance et peut passer aisément pour l’équivalent craché du très célèbre « blanc bonnet et bonnet blanc »