FAIT COMME UN RAT
Ceux qui m’honorent de leur temps en me lisant me savent empêtré dans une sorte de logique, dans un schéma que je ne saurais ni vous tracer par trop implexe, ni vous décrire non plus, mon vocabulaire disponible n’étant pas à ce point riche est nuancé pour le dire… En gros, chaque fois que je vais aux chiottes, je trouve quelqu’un dedans, bien avant moi, tout à lui, à se prouver le caractère empiriquement absurde de la vie : autant tu manges, autant tu chies. Normal ! me diriez-vous, la chose participe du principe du premier venu, premier servi et c’est cela même l’égalité des chances, essence s’il en est de la démocratie et des droits de l’homme. Alors, que je vous entende me dire que si un jour la démocratie doit régner sur ce bled qui est le tien, c'est-à-dire le mien, que son ancrage se fasse d’abord dans ses chiottes pour se propager ensuite sur le restant du sol marocain où les enfants doivent faire des lieues à pieds pour accéder au banc d’une école, faisant d’eux, presque malgré eux les seigneurs incontestés des demi-fonds, sans jamais faire d’eux de futurs démocrates parce que seigneurs olympiques ….
A ce signe de poisse s’ajoute un autre : les rues de la villes sont tout le temps désertes et dès que j’essaie d’en traverser une, immanquablement un engin passe tel un bolide, sorti je ne sais d’où ! m’obligeant du coup à regagner le trottoir pour un énième essai, un Tantale des temps modernes donc, celui du bitume. Mais là c’est un autre problème …
Ainsi se suivaient mes déboires, aux chiottes comme sur l’asphalte. La seule personne qui me connaissait à ce point mal loti était Jamila, une femme qui faisait de la plonge dans le café d’à côté. « pas de chance ! me disait chaque fois que j’y allais, il y a encore el Hadj Tarare là-dedans à faire ses ablutions, fallait venir un quart d’heure plutôt mon gars ! » il fallait voir aussi comment gesticulait-elle ! Elle le disait avec comme une expression de satisfaction sur les lèvres, m’imaginant la vessie pleine à rebord comme les verres tulipe que je venais d’engloutir au bar
Une fois la petite commission terminée, je voulais ouvrir la porte pour aller à la conquête du monde, en vrai Rastignac donc … mais la porte ne voulait point ouvrir. Je m’acharnais désespérément contre cette maudite porte, allant dans mon désespoir jusqu’à espérer pouvoir défoncer les chambranles … rien … je me mettais alors à espérer la venue de l’Anti-christ pour mon salut, lequel Anti-Christ ne serait personne d’autre, me disais-je, que el Hadj Tartare, celui-là même que je haïssais avant, les voies de Dieu étant impénétrables … un moment, l’on m’ouvra la porte ! c’était Jamila !! qui riait et qui me dissait que c’était El Hadj Tartare en personne qui avait pris le poigné de la porte des chiottes pour aller libéréer je ne sais qui, pris lui aussi en otage je ne sais où … Il m’avait promis de le ramener dans l’heure qui suivait, m’avait dit jamaila, mais il n’en était rien …
Je me suis senti petit, fait comme un rat …
Commentaires
Nous sommes heureux que les gens des pays du Magrehb nous enrichissent de leur culture.. Bon ok, pour avoir une mère arabe je connaissais déjà le couscous.. Mais très bientôt dans l'Europe unie, les Turcs nous enrichiront de leur fameux "cabinets"..
Très joliment raconté comme d’hab
Embrasse moi El Hadj Tartare (et Jamila)
Je ne peux que me prosterner devant la grandeur d'une telle histoire majestueusement racontée.
Je vais décéder un de ces 4 en lisant ton blog à cause d'une crise de fou rire :-)
http://dayzin.over-blog.com
Au moins tu mourras le sourire aux lèvres, devant ton ordi ... moi je ferai tilt, coincé dans un de ces cabinets, les pieds dans un seau, la gueuele dans le trou ... je mourais heureux si jamais El Hadj qui aurait avisé les pompiers pour m'en extraire ... :)
Une petite précision, la citation ci-dessus a été dayzinisée, il s’agit d’une chanson de Kenny Rogers (the gambler): « the best you can hope for, is to die in your sleep »
Si c'est le cas préviens moi pour qu'on se voit à Agadir.
JB
pour le reste, je n'arrive à arracher les yeux d'où je mets les pieds, alors forcément ... l'albâtre des chiotes et le bleu asphalte