Monnaie de singe

En bon arabe qui se respecte, je m’étais installé donc au zinc et du regard intimai à la barmaid de nous brancher sur al Jazeera, la chaîne qatarie. Elle s’y était faite l’instant même, l’émission en question aurait à ses yeux, le mérite d’occuper un moment les radins et les nullards parmi sa modeste clientèle: les intellos. Ceux-là même qui buvaient comme des loutres, qui tapaient fort sur le comptoir à chaque assertion, à chaque réplique de l’un ou de l’autre des debators, mais n’allaient jamais dans leur saoulerie respective jusqu’à braver la moindre largesse à la faveur de la pauvre femme, la barmaid donc, pourtant sur le pied de grue depuis voilà vint cinq ans, à subvenir à leurs besoins, à leur décapsuler du jus de chaussette et de la pisse de cheval, selon leur bon vouloir… elle s’exécuta et du regard me signifia qu’on allait bientôt nous dilater la rate, quand ces messieurs seraient tous cuits et qu’ils auraient à se rendre encore une fois à l’évidence : un petit Etat grand comme deux pommes tenait en échec 22 deux autres Etats des plus peuplés et des plus riches aussi…

L’émission d’alors traitait, ainsi que le voulait la ligne éditoriale de la chaîne, du fait qui serait le plus accablant pour Israël et celui du jour était, à ce titre-là, des plus indiqués : un fait condamnable certes, qu’un Israélien eut l’idée saugrenue, et condamnable je le répète, de lancer une tête de cochon dans la cour d’un lieu de culte musulman, quelque part en Israël. Avant même que l’invité de l’émission ait pipé le premier mot, ait étayé la première argutie et déjà que ces messieurs, à la foi douteuse du seul fait d’être là, ne voulaient rien entendre, partis en un feu roulant d’incriminations et d’insultes : fils de cochons ! fils de singes !... disaient-ils indéfiniment jusqu’à ce que le plus sobre d’entre eux, n’en ayant plus cure, eût l’idée de déposer son verre sur le comptoir et de se mettre à frapper vigoureusement sur le zinc pour ce qu’il dût appeler « une mise au point » :

-écoutez –moi ! le forfait est indéniable mais si vous voulez savoir pourquoi est-ce qu’on y a lancé une tête de cochon et non pas celle d’un pur-sang ou d’un hippopotame c’est justement pour cela : le gars voulait faire passer, par ce geste abject, un message : vous nous traitez de fils de cochons et de fils de singe et bien voilà : vous êtes servis.

Commentaires

Loula la nomade a dit…
Salut,

Pas du tout Kashrout de jeter une tête de cochon. Il y a une petite anecdote que j'aime bien. Une dame juive et pauvre acheta un poulet, une fois chez elle, elle se mit à le déplumer et elle remarqua une echymose sur la poitrine du volatile. Kashrout pas kasherout? Elle envoya son fils chez le rabbin du village. Le rabbin en voyant l'enfant et ses haillons dit: le poulet est kosher. Tout cela pour dire que parfois faut bénir ce qui ne l'est pas. So chicken is kosher but pork will never be:-) Aime beaucoup tes billets.
Cordialement,
laseine a dit…
Excellent post Gar.
GarAmud a dit…
Loula,

Enchanté ... juste que ton anecdote m'en rappelle une autre : un jésuite bien décidé de manger du coquelet un jour de carême en prit un et le noie dans l'eau de la rivière tout en disant : Dieu bénis cette truite ...
ravi ! Loula ...

LaSeine,
merci ;)

Amazigh,
Je vois que nous cultivons la même attitude vis-à-vis d'Al Jazeera ;)

Posts les plus consultés de ce blog

I loath Batman

Deux mondes différents ...

LA CHAUVE-SOURIS