LE DERNIER DES JUSTES

des Uns , des Autres et des Asticots ...

Ma mère m’avait raconté que dans le temps, c'est-à-dire quelques années seulement après l’An du Bon, ainsi nommé parce que l’Etat subvenait aux besoins de ses sujets à grand renfort de « bons » pour contrecarrer la sécheresse qui sévissait alors, la Grande Affreuse aussi était de la fête, nous étions en 1944 … elle, ma mère donc, jeune et belle –vous l’aurez compris- car encore enfant jouait avec ses cousines et ses cousins quelque part au fin fond des Monts Zbarbars. Vint alors un marchand ambulant, Id Moshé ainsi qu’il s’appelait, empruntant son pédibus derrière son ânesse sur laquelle trônait en amazone le petit dernier des Moshé. L’homme allait de village en village pour proposer sa marchandise : du henné, des peignes, du savon de Taza … on lui achetait ses produits tout en discutant de choses et d’autres. Immanquablement, à un moment ou à un autre, l’on venait à parler religion et à lui seul, Moshé, arrivait à contrer toute la smala des Ait-Mouss et si elle s’y mettait elle aussi toute la fratrie des Ida O Gogmar. Sacré Moshé !

Un jour donc alors qu’ils s’en décousaient comme à leur habitude une procession funéraire passa. L’un des nôtre interpella le marchand

-Regarde ! Moshé ! Nos morts vont certainement au Paradis ! Parce qu’ils sont musulmans …
-Ecoutez-moi ! bonnes gens ! leur répondit Moshé. Nous juifs, nous expédions nos morts. Vous musulmans vous expédiez de votre côté les vôtres. Mais ni vous ni nous ne sachons vraiment quelles seront leurs destinations véritable et tant que nous n’en savons rien disons qu’ils sont invités pour l’instant chez les asticots...

Commentaires

Anonyme a dit…
Malheureusement j’ai grandi à Casa dans un quartier résidentiel, un derb où les marchands ambulants n’étaient pas légion, mais il m’arrivait quand même de dialoguer avec moul javil (vendeur de Javel) sur la provenance de « Rouh » ( l’âme de javel) qui avait failli percer l banio de saboun , ou bien avec moul hanout echelh (épicier) sur ces algorithmes fort douteux dans le petit carnet de dettes, ou les recettes magiques de moul labani (vendeur de glace) pour connaître le nom du fruit qui donnait à la glace sa couleur bleue etc… des marchands qui connaissaient toutes les familles du quartier, malheureusement ces contacts se voient de moins de nos jours à casa, mais ce n’est rien comparé à Paris où la rare discussion avec la caissière du monop se résume à : « vous pouvez insérer votre carte et composer votre code sivouplé », les temps changent comme dirait echa3ir Mc solar.
Dans ta note tu mets aussi le doigt sur une différence assez notable entre juifs et musulmans dans la pratique de la foi. Les musulmans clament avec fierté leurs certitudes ( "al jannatou la rayba afiha"), alors que les juifs ont juste l’espérance d'une vie après la mort.
Ps : les morts ne sont pas invités chez les asticots, mais ce sont ces dwidates ( vers) qui invitent leurs potes pour festoyer autour d’un nem géant humain
laseine a dit…
zwina et la nostalgie, nous apprenons qu'elle va à monop à Paris et non Ed ;-), c'est le chelh en moi qui te suggère que monop c'est la qualité mais c'est cher pour alimenter tes noukates. le racisme est acceptable quand il me fait rire.
J'allais oublié : moul javel à khouribga c'était moul lwani (vaisselle en plastoc) et c'était un métier très interessant à observer ! Il était payé en points de Tide (la marque qui devient genre : lessive). je me souviens qu'à l'épicerie âroubya et chlouh me demandaient bakiya de Tide OMO, c'était drôle. le marketing direct avant l'heure. Personnellement je préférais ALL comme Tide parce qu'il y avait des jouets et non des points mais impossible de convaincre ma mère.
Moul lwani a eu en France un équivalent dans les années cinquante et soixante : il distribuait généreusement des tables et des chaises en formica contre les bons vieux meubles lourds en bois qui allaient direct chez les antiquaires.
Gar t'as une photo qui pourrait bien illustrer ta note. Et si tu l'as plus je t'en envoie une... de Moshé.
j'arrête !
GarAmud a dit…
A Boujniba, nous avions quelques épiciers chez qui nous avions droit à des restournes par le seul fait de parler tachelhit, le carnet de crédits ne souffraient aucun coup de fusil ... je me souvient de ce marchand de lben qui avait, disait-on, la facheuse habitude de mettre une ba3boula (limace) dans du lben frelaté et il lui faisait passer des heures dedans pour que son lben ait davantage de la contenance. ... un jour qu'il servait une boujnibia, une de ces ba3boulates qu'il avait oubliée dedans glissa de la loutre. notre homme se dépêcha pour la'haper. la cliente lui dit c'est quoi le truc que vous avez avalé. la réponse de moul lben ne s'était pas fait attendre : c'était le sultan du lben madame !
c'est cele même qui me fait flipper ici : cette conviction non seulement qu'il y a un au-delà, mais de le compartimenter : jannah, jahim, a3raf ...

GarAwal : j'ai chercheé la photo mais sans plus ! je ne sais pas si tu peux l'insérer comme commentaire... (mais surtout ne vous arrêtez pas !!)
laseine a dit…
c'est pas de refus si tu le dis Gar, je continue ...
Et Moul l'hendi [Indiennes parce que rapporteés du Mexique, bien avant que les indiens ne découvrent Christophe Coulomb et la variole]. jouj b'ryal, tlata b'ryal, sebâa b'ryal ... probablement derhem pièce aujourd'hui. Les épines de barbarie n'ont jamais eu raison de lui, ni sur les mains ni dans la gorge ni dans les yeux. La rue est vaste comme ma faim mon temps et mon insouciance. NEGUI ! (coupe). Sa lamme sans manche est aussi tordue qu'usée. elle aussi tellement affutée qu'elle lui permet dans un geste rapide et discret de démultiplier le nombre d'épulchures au moment de l'addition. Mais le fils de hadj bihi essoussi sait ce qu'il a mangé. Assez de béton armé pour une bonne constipation. Il goutera encore au feu du Moghzel mais les tables de multiplications (la quatrième de couverture du kounnach à 4 ryals, on se croirait au Brésile) se seront gravées de manière indélébile dans sa mémoire de petit krofi.
Anonyme a dit…
Ça me rappelle m7end a3ettar, le marchand ambulant de chez nous, qui harnachait son âne de marchandises : henné, peignes, colliers, petit miroirs entourés de cadres en plastique… et criait : koullo ma tra lalla ijegouguelt ou3ettar : Tout ce que veut madame pendille chez votre marchand.. en faisant allusion à sa bite :)
GarAmud a dit…
LaSeine :
juste pour el handia (za3boul dans le Gharb)on dit dans le souss Aknari(le Canarien) par allusion à son origine canarienne (dit-on wallaho a3lam)... désolé pour la photo mon Hello ne marche plus!

Izri>>> et je suppose que la nuit, les femmes du village en rêvaient d'adad n'u7bbud n'sidi M7end a3ttar,!
Anonyme a dit…
Non, la nuit elles n'ont pas le temps de rêver, tous les adad n'u7bbud du village sont dans leurs fourreaux :)
GarAmud a dit…
mais quoi? pour épouses respectives des Id bouFrança?
Anonyme a dit…
Elles y mettent des adad tout court, en attendant :)
(J'espère que j'ai bien compris ta question!)
laseine a dit…
>GarAmud
l'origine mexicaine de aknari je l'ai inventée aujourd'hui même juste parce que j'avais envie de dire (les indiens ... etc). quant à la photo tant pis.
Je me permets de traduire "adad n'uhbbud n'sidi Mhend" expression Garamudienne digne de Si Mohand U Mhand, l'équivalent kabyle de Baudelaire ou de Walt Whitman sous d’autres cieux : le doigt du ventre de sidi Mhend. et j'assume la vulgarité si vulgarité il y a.
GarAmud a dit…
Izri ! tu m'as très bien compris mais je regrette : elle n'y mettent pas adad, elles peuvent se rabattre sur l'institit, le fkih, le garde-champêtre ...
laseine a dit…
ou plutôt le doigt du bas-ventre pour éviter toute confusion avec le nombril tellement nous sommes portés dessus (le nombril nombrilistes que nous sommes). Je lis déjà vos réponses dans vos pensées (parle pour toi) ;-)
GarAmud a dit…
Garawal : merci pour avoir pris la peinde de traduire pour les chinois ... il n'y pas de vulgarité là-dedans, juste une figure de style quelque peu zbarbarde, c'est vrai ...

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