Le Cocu Magnifique 1/20

Feuilleton garamudanien

-Mais elle me trompe !

L’idée m’était tombée dessus comme d'un couperet, en regardant au fond du bidet : Des traces d’étrons y sont depuis voilà une semaine sans que Aïcha, ma femme, n’en tienne rigueur à Saâdia, la bonne. Le fait est que Aicha est très à cheval sur la propreté et avait déjà renvoyé par le passé une dizaine de bonnes parce qu’elles n’assuraient pas de ce côté-la justement, qu’elle ne récuraient pas assez le fond du bidet. Et puis si c’étaient des crottes de chiens, je les aurais prises pour un porte-bonheur ainsi qu’on interprète la chose chez les Chinois et j’en étais venu, sur le coup, à regretter le fait de n’en avoir aucun chez moi, de ces chiens d’agrément…j’aurais alors pris la chose pour un bon augure et aurais rejoint Aïcha au lit, le pas posé et la conscience tranquille … Hélas, ce n’était pas le cas et j’en prenais de l’humeur, à l’idée de les savoir miens, ces étrons donc.

Qu’Aïcha fasse ainsi montre d’une telle débonnaireté à l’égard de Saâdia, voilà qui ne saurait avoir qu’une seule signification, surtout dans notre culture : elles sont devenues toutes les deux complices et je pourrais avancer ce fait juridiquement avéré : Quand une bourgeoise prend en sympathie sa bonne c’est toujours le bourgeois qui en pâtit. Aussi l’adage marocain ne disait-il pas qu’un homme qui se respecte doit frapper de temps à autre sa femme et que si lui ne sait pas pourquoi il la frappe, la femme, elle le sait et pertinemment. Bien entendu, je faisais peu de cas de cet adage mais force m’était de convenir au fait que la seule lecture qu’il m’était donné d’avoir à ce sujet allait elle aussi dans ce sens. c’était une nouvelle d’Albert Camus « La Femme infidèle ». L’auteur narrait une journée dans la vie d’un marchand de tissu qui faisait les souks de l’Algérie française d’alors. L’homme se déplaçait de ville en ville avec ses valises bourrées de nuancés, accompagné de sa femme qui lui était chevillée au corps, le regardait négocier et ne le quittait pas un moment mais je ne sais pour quelle raison, le narrateur tenait pour telle la femme en question, quand bien même elle n’avait couché avec personne d’autre, en aucun moment du récit elle n’avait donné le moindre coup de canif dans le contrat. Pourtant, aux yeux du narrateur, c’en était une … (A suivre)