Le Cocu Magnifique 12/2o

Venue son heure de vérité, Aicha piqua sa crise et se mit à jeter par la fenêtre tout ce qui lui était à portée de main, c'est-à-dire mes effets personnels, exclusivement. Tout y passa alors : mon ordinateur dont elle s’était débarrassée en deux temps, puis dans l’ordre, ma télé, ma machine à écrire, ma chaînette HiFi, mon radio-réveil, mon micro-onde … une nuée de badauds s’était rassemblée autour du spectacle, le regard vertical suivant la trajectoire que prenait mes gadgets depuis le troisième étage. Maintenant que j’y pense, je peux me rappeler le sourire de satisfaction qui se dessinait alors sur leurs lèvres à chaque chute, ce spectacle me hantait depuis et longtemps après, continuais-je à dire que c’était là juste un phénomène de persistance rétinienne, pour ne pas avoir à cogiter sur la symbolique de cette scène, à la scotomiser pour ainsi dire. Les seuls du reste à pâtir, c’étaient mon ami Hamza qui resta chevillé à mon bras en prévision d’une réaction imprévisible de ma part et un Chinois qui était dans les parages. Ce dernier se prenait la tête à chaque chute, comme si mes effets allaient lui tomber sur la tête. Un moment il s’était mis à crier dans un accent que j’estimai du coup étiré : Nine ! One ! One ! , Nine ! One ! One ! …Plus tard, j’ai sur que c’était là le numéro que composaient les Chinois pour prévenir leur protection civile, chaque fois qu’un des leurs voulait se suicider et ils en sont les champions du monde, les Chinois, il y a en eux, paraît-il, davantage de germes suicidaires que chez les Nordiques…

« encore ! », « ouais ! », « a3id ! » clamaient, mais vraiment fort, les autres badauds à chaque son produit par l’impact des gadgets ainsi jetés depuis là-haut. Quand Aïcha en finit avec, elle dût se rabattre sur le matelas de Saadia, le jeta aussi de la fenêtre et là, chose curieuse, les badauds, déçus, se mettaient à la huer, « hou ! hou ! »… apparemment ils voulaient du solide, quelque chose de valeur et surtout qui cassait bruayamment et qui donnerait à voir la déchéance humaine, la désolation.... Un des badauds, Mr. Boulahia, mon voisin de pallier, cria à l’attention de Aïcha « le minibar ! Aïcha… le minibar ! ». Aussitôt dit, aussitôt fait… je me sentis petit, car dans sa déchéance, le minibar ouvrit la gueule et deux ou trios kils de Moghrabi prirent chacun de son côté sa trajectoire propre. Hamza me regarda alors d'un oeil, rouge, que je n'ai pas soutenir, l'air de me dire " Menteur! va je ne te hais point pour m'avoir refusé la trinque à Dieu..."

-C’est ça les Marocains ! me disait Hamza le regard rivé sur Boulahia, ils affectionnent la casse ! En votant le PiJiDi, ils ne font rien d’autre que casser, sauf que sur ce coup-là, l’impact ne sera audible, ni visible qu’une génération après, quand on nous aura complètement privé de notre Moghrabi, fleuron s’il en est de notre liberté de conscience… Mais pourquoi est-ce que Aïcha s’est-elle enveloppée le corp avec du drap noir ? Est-ce l'anarchie qui rentre?

Je restai coi quand bien même je détenais plus qu’un simple élément de réponse, mais la vérité toute crachée de Aicha. En aucun moment elle n’avait prévu pareil cheminement intérieur, dès lors elle ne s’achetait que de la haute couture, des robes de soirée, tailleurs, des décolletés ou alors des jeans ... Une fois sa foi retrouvée, elle dut aller chercher dans sa garde robe une tenue pour cacher les signes ronds de son entité biologique que sa foi lui interdisait de donner à voir. Elle n’y trouva ni djellaba, ni mansouria, ni burca … rien qui puisse dire sa foi. Pour les besoins de la nouvelle cause, elle dut arracher le rideau noir du living-room, s’en enveloppa et s’en prit alors à mes effets personnels. Curieusement, on ne l'aurait prise pour rien au monde pour une frérote, mais une de ces nonnes qui faisaient autrefois la loi dans les couvents d'antan, la foi en Dieu et la férule dans la main

Commentaires

Loula la nomade a dit…
Houu, Aïcha en black spider ou spider woman ou mieux en femme chauve souris. Il est pas sorti de l'auberge ton narrateur. Hamza, wa fine douzaine. N3elha batata! Chais pas si tu connais l'expression Moul Leqlem. A Casablanca, après avoir vendu leur cargaison de batata, certains producteurs avaient l'habitude d'aller boire dans un bar. Ils commandaient à la caisse pour savoir combien de bouteilles ils avaient bu au moment de payer l'ardoise.
Bon début de soirée,
Anonyme a dit…
je pointe :) fidèle à mon poste ;)
en tout cas lma7laba tourne a plein régime...
GarAmud a dit…
Lalou,
Cela donne, si j'ai bien lu dans l'intention du narrateur, que toute bourgeoise qui se respecte doit diversifier sa garde robe d'habits , en prévisions des virages spirituels que peut prendre sa vie, surtout avec la télé... il se peut qu'elle tombe sur un amr khalid et qu'il la persuade qu'un tchador n'est jamais qu'un simple tissu, mais le raccourci au paradis...
Je ne connaissais pas l'histoire de Moul leqlem... mais je m'y reconnais! je commade moi aussi d'emblée le nombre de bières, disons par "gentelmanerie", pour épargner à la serveuse, des allées et venues inutiles... il se peut qu'on me confonde avec un de ces maline leqlem ... :)

Bsima,
je ne te le dirais jamais assez! el me7laba est fermée depuis que le coissant à été détecté par nos augustes ulémas, entre de deux nus, sur le plafond, il y a 15 jours de ça ... merci pour le pointage :)
Anonyme a dit…
Et je fais comment pour avoir ma 7archa? Nssoum 7ta fla ftour...?

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