Le Cocu Magnifique 15/20

Le matin d’après à 6 heures, Saadia m’arracha à mon sommeil d’un jet d’eau qu’elle s’administra si bruyamment … j’ouvrai l’œil, les pupilles toutes dilatées et regardai la petite effrontée, nue à se savonner le corps, les gestes allusifs et le regard on ne peut plus bovin. Elle s’enroba dans le peignoir en soie de Aïcha et vint vers moi le pas félin. Elle me frôla la couenne du pan de son peignoir et me donna à voir son être jusqu’au dans sa plus simple expression, ainsi que j’avais lu dans les Possédés, « La bête sortit ses griffes ». le temps de m’asseoir, de me mettre les lunettes sur le nez pour réaliser ce qui m’arrivait, maladroitement car je n’ai pu m’y prendre avec qu’en deux temps, ayant de ces nez en bec d’aigle, que déjà Saadia eût la bonne idée de ramener vers elle son peignoir et de se couvrir tout à fait. Elle dut prendre ma maladresse probablement pour un niet sans équivoque ou alors s’était-elle mis dans la tête que ce fût là la façon qu’ont les intello pour dire non à de telles avances. De mon côté, je ne savais par quoi aurais-je enchaîné par la suite, une fois mes lunettes dûment sur le nez. Me l'aurais-je farcie? Me serais-je laissé aller à l'ancillaire? pour ainsi dire de plain-pied...J’eus seulement le sentiment d’avoir été encore une fois sauvé par le gong, ma maladresse en somme.

-Ainsi, tu es ce que Aïcha appelle désespérément un gentleman, dit-elle en claquant violemment derrière elle la porte. Ce n’est qu’à cet instant-là que je m’étais réveillé pour de bon. Mais je ne suis pas un gentleman ! me dis-je alors et me plaisai à écouter la réplique que me renvoya l’écho : « âne ! âne !... »

-Mais où est ma rondelle de salami ! m’écriais-je une fois à table, une heure plus tard.

-Même Saint Jean le Charcutier ne voudra d’une rondelle de salami à 7 heures du matin ! me répondit sèchement Aïcha, je l’ai jeté à la poubelle, ton salami ! Il te faudra faire avec ma foi retrouvée, décidément ! le salami c’est haram ! Et puis, scientifiquement parlant, les cellules du cochon nous sont, de tous les animaux, les plus proches à nous humains. Voudras-tu bouffer ton prochain ?

Je ne répondis pas. Je me levai et chargeai droit sur la poubelle, me dénichai mon salami carrément là ou Aïcha s’en était débarrassé. Il y était sain et sauf enveloppé encore dans sa cellophane et entouré de bribes de photos déchiquetées ; sur l’une des pièces, je reconnus l’ex professeur de Aïcha avec ses bananes. Je ramenai le tout et le déposai sur la table. Aïcha me regarda l’air goguenard :

-Il n’y a eu jamais rien entre moi et le Professeur. Le seul mérite que je reconnaissais à l’homme était d’avoir introduit l’aristotélisme dans nos universités et par extension dans la pensée marocaine elle-même devenue, ipso facto, moderne

-Mais on ne saurait arstotéliser l’inaristotélisable ! lui répondis-je sur le coup en ma taillant frénétiquement une rondelle de salami. Et quelle symbolique donneras-tu à la banane dans cette pensée ?

-si tu vois dans la photo que tu as reconstituée, tu pourras y lire cette expression, tout en bas, là : les bananes se cachent pour blettir.

-oui ! Effectivement …"les ba-na-nes se ca-chent pour ble-ttir".

-cela veut dire que, dans notre contexte marocain, nous devons réunir toutes les conditions optimales pour que cette pensée puisse s’y développer, ainsi que pour les bananes qu’on cultive artificiellement dans une serre, parce qu’elles ne peuvent pas prendre naturellement sur le sol marocain

-tu l’as dit : artificiellement, je m’en tiens à ton argument ad hominem !

Je croyais avoir coupé ainsi court à tout discussion possible quand Saadia y mit son grain de sel, du fond de la cuisine : tu as raison Aïcha : il est le genre gentleman ! ton homme… j’ai pu m’en rendre compte par moi-même tout à l’heure sous la douche

-Mais je ne suis pas gentleman ! lui rétorquai-je en m’offrant une deuxième rondelle de salami. Certes, je ne glisse jamais de préservatif dans ma poche quand je donne un rendez-vous à une femme, dès lors que le but premier de notre tête-à-tête est de discuter littérature. Mais on est jamais gentleman dans ce bled, ni aristotélicien non plus … et puis merde !

Commentaires

Anonyme a dit…
salam
hi l'ami
fin mchat al mousica
Anonyme a dit…
Honorons le narrateur pour son abstinence (héroïque ?), pour ses Rendez-vous littéraires (sans préservatifs !) et pour son gentlem-ânerie (tu parles !).
Que pense Hamza de cet épisode? a-t-il des choses à Balancer , une explication à nous fournir, des scellés à verser au dossier?
Allez, à ce stade de l’histoire, je double la mise sur Aicha et je bénit Musil (Homme que je connais pas mais que je salue au passage).
je dirais aussi concernant le narrateur : Santo Subito !
Loula la nomade a dit…
Larbi,

Non, moi je mise sur Hamza et le narrateur. J'adore les anti héros, nah!;D
Excellente fin de semaine
GarAmud a dit…
Bonsoir Tout le monde!

Bleuesman,
je remets le fond sonore et j'en remercie au passage LaSeine, l'homme sans quoi la chose serait tout bonnement impossible.

Larbi,
Hamza, qui est le double du narrateur sans être l'homme que vous avez vu l'autre..., vous salue lui aussi et vous prie d'instruire au plus vite son procès il a envie d'en découdre avec le Système

le narrateur ne s'étonne point à ce que Aïcha soit ta fovorite dans cette affaire et mettra tout son poid pour amoindre les chances de son accomplissement sur la voie qui est la sienne....

Lalou,
Voilà qui est de nature à rassurer le narrateur et hamza, son double, une communion d'idée est décidément sur la voie de son accomplissement... il en prend note


Marci à tous !
Anonyme a dit…
Tu tiens bon... Courage...
Encore 15 épisodes a venir...
Faut avoir le souffle :)
GarAmud a dit…
Bonsoir Bsima,
Mais plus que cinq épisodes! refais le calcul! ou alors ce ne serait plus ramadan (30 jours) mais le carême (40 jours)!
Bonne soirée :)
Najlae a dit…
hahahahahaaha les bananes se cachent pour blettir! excellent!

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