Le Cocu Magnifique 16/20

-Désespérément gentleman ! … cracha encore une fois Saadia, toujours dans la cuisine. Furieux, je me levai et emportai avec moi dans ma furie la lourde chaise pour, eus-je laissé croire, le lui casser sur la tête. Mais une fois dans la cuisine, j’eus droit à l’une de ces fantasmagories dont je devais m’accommoder par la suite mais qui, sur le coup m’apaisa: Saadia attablée, seule avec exactement le même menu que nous, Aïcha et moi, juste qu’il manquait à la scène une ou deux rondelles de salami pour que c’en soit la réplique parfaite. La situation avait tout pour tenir d’un sitcom ubuesque où l’on est droit à tous les revirements imaginables, les plus cocasses comme les plus surréelles. Une fantasmagorie ! rien à dire et j’aime.

-On ne brutalise pas Lalla Zita, voyons ! dit-elle, et si tu t’assoies ? j’ai à te parler …

Je m’exécutai comme sous l’envoûtement de son regard toujours bovin mais devenu entre-temps très sûr.

-Justement ! Parlons-en… de ce qui m’arrivais depuis voilà trois jours.

-de ce qui nous arrivait ! me corrigea-t-elle. Tu dois savoir que Aïcha et moi avions conclu un pacte, un échange de procédés pour ainsi dire faustiens : son intellect d’universitaire accomplie contre ma foi de bonne. Il s’en suit que, votre couple en a été altéré jusque dans son essence et gagnerait peut-être à ce qu’il soit revu au goût du jour. Ce n’est plus un couple évolutif comme tu aimais à dire, mais à ta place je lui adjuverais plutôt une autre épithète : couple à géométrie variable ! Cela veut dire qu’en dehors de la maison, l’on s’en tiendra tous les trois à nos statuts initiaux, mais à l’intra-muros la donne change : A moi, l’intellect et à Aïcha, la foi. Libre à toi de jouer au go-between et ce ne saurait souffrir aucune permissivité, aucun triolisme… est-ce clair ?

-Oui ! et je suis partant ! mais cela n’explique pas la scène d’avant-hier. Toi et Aïcha à deux dos de bêtes, les godemichés oblongs…

-C’était mon idée, je voulais, une fois passé le pacte faustien, jouir de mon intellect pour une fois, goûter ainsi aux fruits de l’arbre de la Connaissance, le secouer tel un cocotier et croquer les pommes qui en tomberaient… c’était mon rituel d’initiation ; quant à celui de Aïcha c’était la table rase : jeter son intellect par la fenêtre. Désolée que tes effets personnels eussent à y passer en premiers, surtout tes livres et ton …minibar.

Soudain tout me fut d’une clarté biblique et me dessillai alors les yeux sur cette nouvelle acception du monde. Aussi m'étais-je senti délivré de mon inquiétude, estimant dans la foulée de mes réflexions que cela me suffisait et qu’il y aurait même quelques partis à tirer de cette nouvelle situation, de ces eaux médianes. Ma première réaction fut d'aller me soulager la vessie mais à l'évier de la cuisine cette fois-ci, Saadia ne m'en tint pas compte ce qui était en soi chose extraordinaire.

Commentaires

Anonyme a dit…
Ah l’explication !
Mais pourquoi donc ce drôle d’échangisme, on n’était pas bien ? Et puis … je trouve que tu t’acharnes un peu sur Aicha :( . Qu’est ce qu’elle a fait pour mériter ce châtiment ? Pourquoi la priver de sa liberté en la plongeant dans une étouffante foi alors qu’elle n’y était pas préparée.

Et puis … « rendre l'homme capable de grandes choses, bien qu'il soit un porc » n'est ce pas là le problème?

On n’était pas bien ?
GarAmud a dit…
Mais ils étaient si à l'aise, tous les deux sauf qu'elle n'avait pas prévu l'aboutissement de son cheminement intellectuel et n'a pas fourni sa garde-robe en fonction de ce qui pourrait bien lui advenir au fil de ses lectures et de ses débats...
tu auras remarqué aussi que le narrateur n'est pas contrariant ni avec Aïcha, ni avec Saadia, il compose avec les situations à lui donné et essaie seulement de se frayer son chemin, le plus bourgeoisement du monde, sans jouer des coudes ...
Mais en aucun cas, il ne l'a privée de sa liberté, elle a pris son envol et dû se cogner le bec contre les vitres dont elle faisait abstraction ...
« rendre l'homme capable de grandes choses, bien qu'il soit un porc » d'où est-ce que tu tiens cette citation? je m'y reconnais !!!
Anonyme a dit…
C'est la première fois que je visite ton blog et je le trouve presque aussi intéressant que le mien!
:-)
Loula la nomade a dit…
I knew it! I knew it!
More, more:-)
Loula la nomade a dit…
Nice picture Moul Leqlem.
GarAmud a dit…
Bonjour, bonsoir,

sanae,
je me disais justement de quel écrivain je tenais cette facture... c'était donc toi :)

Loula,

ça viendra, l'amie ...

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